InterviewG4E. Philippe Fargeon : “On est en reconstruction, avec des matches de préparation pour la saison prochaine”

    Pour cette semaine, nous avons fait appel à notre consultant maison, Philippe Fargeon, pour analyser l’actualité des Girondins de Bordeaux. Des deux derniers matches (face à l’OM et Sainté) à celui face à Nîmes ce week-end, en passant par la situation des gardiens, l’ancien attaquant bordelais a répondu avec sa traditionnelle analyse et son amour inconditionnel pour le maillot au scapulaire. Amis lecteurs, à vous de jouer !

    Vous étiez plutôt enthousiaste dans ce que vous aviez vu de Paulo Sousa, et au niveau de son discours. Votre position a-t-elle évoluée depuis, et ses quatre matches à la tête de l’équipe ?

    « Non, elle s’est confirmée. Il est parti dans une bonne dynamique, en tout cas l’idée me plait. Il faut maintenant laisser du temps au temps. Il faut lui laisser le temps de travailler, de lui laisser mettre en place ce qu’il veut, et redonner une identité aux Girondins. Pour moi, il est dans le vrai ».

     

    Paulo Sousa

     

    On a vu cependant ses limites avec un effectif amoindri face à Saint-Etienne. A l’inverse, nous avons pu également voir de bonnes choses notamment les jeunes qui sont entrés.

    « On est en reconstruction, et c’est ce genre de match -en prenant en compte le fait que l’on est mathématiquement tranquille au classement- qui peut nous aider. Le coach doit se servir de ces matches, pour savoir sur quels joueurs il peut compter l’année prochaine, ou quels joueurs sont susceptibles de changer de poste sur le terrain. J’ai vraiment l’impression que ce sont des matches de préparation pour la saison prochaine. Il y a des essais, des nouveaux joueurs qui arrivent, des choses qui fonctionnent, d’autres moins bien. On est en plein réglages, et il a déjà la possibilité de le faire dès cette fin de saison. A la limite, il est même arrivé au bon moment, cela lui permet d’avoir un angle de préparation plus grand que les autres pour la suite ».

     

    Même si elle n’aurait peut-être pas changé grand-chose –bien qu’elle ait tout de même débloqué le match– que pensez-vous de la main de Sergi Palencia, qui a donné un penalty à Saint-Etienne ?

    « Qu’est-ce qu’a apporté la vidéo aujourd’hui ? Si ce n’est que l’on se rend compte qu’il y a autant de gens en désaccord. Certains disent qu’il y a main, d’autres non. On avait le même problème avant la vidéo. Il va vraiment falloir qu’ils équilibrent. Il faut que les instances expliquent ce qu’est véritablement une main dans la surface de réparation. Si c’est involontaire, volontaire, si c’est le ballon qui va vers la main, si c’est la main qui va vers le ballon, si la trajectoire du ballon est déviée par la main ou non. Tant que l’on n’aura pas mis en place un vrai protocole, on n’aura pas de solution. Il faut vraiment mettre des règles. On décide que la main est involontaire et que le ballon allait en direction du but, il y a penalty même si c’est involontaire. Et si c’est involontaire et que le ballon n’allait pas en direction du but, il n’y a pas penalty. Tout se discute. Pour moi, cela ne sert à rien si c’est pour toujours changer d’avis. On a vu que cela pouvait servir récemment en Coupe d’Europe. Mais comme toutes les fautes, car aujourd’hui c’est un problème de main, mais demain ce sera un problème d’accrochage dans la surface. Car si c’est le cas, il y a penalty sur chaque corner, c’est indéniable. Il va donc falloir mettre en place des règles, et quelle que soit la décision des gens pour ou contre ».

     

    marseille

     

    Contre Marseille, Bordeaux n’a une nouvelle fois perdu, et a même gagné cette fois… C’est bien beau cette invincibilité, mais pourquoi les joueurs ne jouent pas ainsi, avec une telle motivation et une telle concentration à chaque match ? C’est un peu rageant non ?

    « Oui, mais cela revient aussi à quelque chose que j’ai dit chez vous il y a quelques temps. Il faut aimer un maillot, il faut être honnête pour l’aimer, il faut connaitre l’histoire du club. Quand vous demandez à un jeune de 20 ans de raconter l’histoire du club, peut-être qu’il ne connait pas Alain Giresse car ce n’est pas de sa génération. Comment voulez-vous derrière qu’il soit motivé pour le match ? Là, ils sont motivés par ce match car ils savent que cela fait beaucoup d’années qu’ils n’ont plus perdu face à Marseille à la maison. Il y a challenge, ils ne veulent pas faire partie de l’équipe perdante. Donc à un moment, quand on leur explique, il y a une motivation supplémentaire. A chaque fois que j’arrivais dans un club, on me présentait l’histoire du club, les grands joueurs, sans aller jusqu’à un musée mais l’identité du club. Comment voulez-vous qu’ils défendent leur maillot, même quand ils jouent contre Dijon ou un match de Coupe de France, si on ne leur explique pas ça ? C’est ça le problème. Qu’ils aillent faire un tour à Liverpool, par exemple. Ils verront ce que c’est. Vous respectez le club automatiquement et le maillot ».

     

    Lors de ce match, Pablo a été expulsé, répondant à un mauvais geste de Mario Balotelli qui lui a cassé le nez… L’italien n’a pas été sanctionné car les images n’étaient pas très claires… Comme quoi, le VAR est vraiment loin de résoudre les problèmes…  Bordeaux devait faire appel d’ailleurs, et a finalement abandonné…

    « Effectivement, pas besoin d’avoir joué au football pour voir que Balotelli provoque Pablo sur l’action d’avant. Il y a une faute de ce coté-là. Si les Girondins ne donnent pas suite, c’est qu’ils pensent qu’ils ne gagneront pas. Et il y a le deuxième fait, et dans un cas comme celui-là, on joue au plus malin. Et sur le coup, Pablo a été moins malin que Balotelli. Ce sera une bonne expérience pour la prochaine fois. Il faut être un peu plus discret que l’autre. Je pense que l’on apprend à tout âge. Il y a des joueurs plus malins que d’autres et qui ne se font jamais chopper. Les deux font une faute, à l’arrivée Pablo prend rouge et Balotelli ne prend rien ».

     

    giroud

     

    On parle beaucoup d’une rumeur ces dernières semaines, celle d’un intérêt des Girondins pour Olivier Giroud. Que penseriez-vous de son arrivée et la pensez-vous crédible ?

    « C’est une question de salaire. Quand vous jouez à Chelsea et que vous êtes champion du monde, et que vous comptez finir votre carrière dans un bon club français avec une histoire, c’est déjà un honneur que ce joueur veuille venir à Bordeaux. Je le vois comme ça. Est-ce que l’on aura la possibilité de s’aligner sur les salaires que proposeront d’autres pays ? Si demain, on nous annonce que Giroud vient jouer à Bordeaux, honnêtement ce sera un grand honneur. Il aura eu d’autres propositions financières, très certainement plus intéressantes pour finir sa carrière, on l’a vu avec d’autres joueurs. S’il vient à Bordeaux, c’est qu’il a envie d’un bon challenge pas évident au départ et qu’il aime ce club. Ce serait vraiment très bien. On a beau le critiquer, mais cela fait deux fois que nous sommes champions du monde, deux fois avec des buteurs qui ne marquent pas de but. Est-ce que l’on aurait préféré avoir le meilleur buteur de la compétition et sortir en quarts ou avoir des joueurs qui se sacrifient pour les autres et qu’on soit champions du monde ? Ces avant-centres se sont sacrifiés pour les autres ».

     

    Bordeaux se déplace à Nîmes ce samedi, qui est devant au classement. Elle fait partie des promus qui ont grandement réussi leur maintien, sur la base notamment de valeurs de combativité et de solidarité. Comment voyez-vous cette rencontre ?

    « Chaque année dans les équipes qui montent, il y en a une qui crée la surprise et puis d’autres sont en difficulté. Nîmes a vraiment fait un bon début, avec cette volonté de montrer que c’était une équipe unie et que ce serait compliqué d’aller gagner chez eux. Un bon début de saison qui leur permet d’être tranquilles. Ils sont en roue libre maintenant, il y aura des opportunités. Chaque match est une préparation pour l’année prochaine, quel que soit l’adversaire. C’est une équipe qui devrait jouer détente, et si on trouve notre rythme, on devrait la dominer. Il y a un travail à faire. Il faut que les joueurs soient conscients que la saison prochaine se joue maintenant. Depuis que le nouveau coach est arrivé, j’espère qu’ils l’ont compris. Cela peut être un match intéressant, et puis vous savez, les matches sans enjeu ce sont souvent les meilleurs. Il y a souvent des buts, l’entraîneur se permet de mettre en place des projets qu’il n’avait pas pu mettre en place auparavant, de peur que cela ne marche pas. Il n’y aura pas de problème de résultat ».

     

    Paul Bernardoni

     

    En conférence de presse jeudi midi, Paulo Sousa a expliqué qu’il comptait sur Paul Bernardoni pour l’avenir. Mais ce dernier veut jouer, donc on imagine mal qu’il revienne pour être la doublure de Benoit Costil…

    « J’aurais dans un premier temps une discussion avec Costil. Je trouve que depuis qu’il est là, il a assumé. Il a eu des périodes en dents de scie, mais qui étaient à l’image du club. Même s’il a raté quelques matches, c’était sur une période où les Girondins n’étaient pas bien. Par contre, il a réussi des matches quand les Girondins n’étaient pas bien aussi. Il y a un choix à faire. Il y a des gardiens qui, voyant la fin de saison arriver, sont prêts à accompagner quelqu’un pour lui permettre de devenir titulaire petit à petit. C’est un rôle particulier. Pour moi, il faut un titulaire et un remplaçant, dès le début de la saison, que les choses soient claires pour éviter tous soucis. Et après, passer le relais en fonction. Si un ne donne pas satisfaction sur un match, à l’autre de montrer quand il aura sa chance. Pour savoir ce que va faire l’entraineur, il y a d’abord une discussion à avoir avec Costil. En fonction de ce qu’il veut, il peut très bien dire qu’il ne veut pas de concurrence, j’ai l’intention de continuer, je pars. On a toujours eu la chance, depuis très longtemps, d’avoir de très bons gardiens. On a rarement eu des gardiens pas à la hauteur dans chaque génération. Et même des deuxièmes gardiens, c’est ça qui est exceptionnel. On a toujours eu de très bons ailiers et de très bons latéraux, mais on ne sait pas pourquoi (rires). On a Costil qui fait encore une saison exceptionnelle, on a d’autres jeunes qui tapent à la porte, tant mieux. C’est un choix de personne. On ne peut pas se permettre de mettre en concurrence Costil avec un jeune joueur qui revient à Bordeaux sur un poste de gardien. Il faut que les choses soient claires et mises en place au départ. Le contraire a marché au PSG où cela s’est bien passé, avec un gardien qui arrive et un autre en Equipe de France, et à chaque fois les deux ont été très bons. Je ne pense pas que ce soit une généralité. Bernardoni est un très bon gardien, il fait une très bonne saison, on le sait. Si on veut le garder, il faut que les choses soient claires dès le départ. Il ne faut pas refaire ce qu’il s’est passé il y a quelques temps, avec une modification de joueurs, c’est compliqué. Il est tellement particulier ce poste. Quand vous avez un gardien qui fait trois-quatre bons arrêts, vous avez une garantie derrière. S’il fait une toile, c’est compliqué. Pour moi, un gardien doit être serein, que les places soient définies dès le départ et qu’il n’y ait pas d’animosité entre eux. On progresse en s’entraidant. Je pense que Costil peut énormément l’aider avec son expérience s’il accepte de lui passer le flambeau. Peut-être pas l’année prochaine ni l’après d’après, mais il faut que ce joueur apprenne cela. Ce n’est que le choix du joueur ».

     

    Le club met en place l’initiative ‘Girondins et vous’, et notamment des actions destinées à favoriser les abonnés, avec pour ambition de remplir plus le stade. Qu’en pensez-vous ?

    « Bien évidemment que je suis pour. Vous allez dans un stade plein, c’est merveilleux. Même si le spectacle n’est pas au rendez-vous sur le terrain, tant qu’il y a du monde dans les tribunes, c’est aussi sympa. Il y a des années où je prenais plus de plaisir à regarder les supporters que le match. L’idée de remplir le stade, bien évidemment qu’il faut le faire. Pour que les gens viennent au stade, il faut du spectacle, il faut que les jeunes qui sont sur le terrain mouillent le maillot. Ce qui a manqué pendant un certain temps, c’est ce manque d’identité des joueurs par rapport à ce club et ce maillot. Pour remplir le stade, il faut faire des animations comme les américains l’ont bien compris. Il faut également réexpliquer l’histoire à nos joueurs. Soyons clair, je ne parle pas d’histoire juste parce que je suis un ancien girondin. Vous imaginez le nombre de champions du monde, de champions d’Europe, d’internationaux qui ont joué dans ce club. Dans le salon aujourd’hui, vous avez un couteau avec le nom de chaque bordelais ayant porté le maillot des Bleus. Il faudrait qu’à chaque fois qu’un jeune arrive, on lui explique l’histoire des Girondins pendant une semaine. Ils devraient la savoir de A à Z. Tout comme Chaban, il y en a une bonne partie qui ne connait pas ce stade. Et certaines tribunes, que je n’ai moi-même pas connues, où les gens venaient avec leur litre de vin et leur sandwich, c’est aussi ça. Que l’on puisse parler des Giresse, Laslandes, Tigana, Micoud, savoir ce qu’ils ont fait. Il faut que ceux qui viennent au stade sentent que les joueurs aiment autant le maillot qu’eux. Je suis persuadé que c’est une question d’éducation. Même s’ils ne gagnent pas, je suis sûr qu’ils seront déjà contents de voir que les joueurs mouillent le maillot, et qu’ils aiment ce club. C’est une osmose entre les joueurs, le club et les supporters. Cette initiative est une excellente idée, c’est magnifique un stade plein. Avec des enfants, des couples, des femmes, c’est ce qui est exceptionnel dans un stade. Il faut redonner envie à tout le monde. Nous sommes la plus grande région de France, les gens devaient venir de Niort, Bayonne, de partout. Aujourd’hui, on ne sent plus cette appartenance ».

    Nous remercions Philippe Fargeon pour sa fidélité, sa gentillesse et sa disponibilité.