InterviewG4E. Johan Audel : “J’ai toujours été attiré par le maillot, j’adorais le scapulaire”

    (Photo by Jean Paul Thom, Icon Sport)

    Johan Audel a pris sa retraite de joueur professionnel il y a quelques années maintenant. Né à Nice, c’est au LOSC qu’il fit ses premières armes en pro, mais c’est surtout à Valenciennes qu’il montra l’étendue de son talent d’avant-centre, qui éveilla d’ailleurs l’intérêt des Girondins de Bordeaux à l’époque. Comme il vous l’expliquera ci-dessous, il choisit de connaitre l’étranger après plusieurs saisons en France, pour finalement revenir à Nantes, notre prochain adversaire. Vous allez découvrir que Johan est lié aux Girondins par plusieurs anecdotes, mais également d’anciens joueurs passés par notre club. Interview.

     

    Avant de commencer, on souhaiterait avoir de vos nouvelles. Vous avez arrêté votre carrière de joueur professionnel en 2017 et aujourd’hui, vous évoluez toujours dans le monde du football, en tant qu’entraîneur. Pouvez-vous nous dire quels sont vos projets actuels ?

    Oui, je suis toujours dans le monde du foot, j’ai passé mon BEF l’année dernière. J’étais éducateur dans une équipe de jeunes à l’OGC Nice et j’ai décidé de me prendre une année pour m’occuper de ma famille, notamment de mon fils. Je reprends du service très bientôt, à l’OGC Nice normalement.

     

    Lors de votre carrière, votre nom a été plusieurs fois associé à une venue aux Girondins de Bordeaux. Est-ce qu’il y a eu des contacts, que ce soit lorsque vous étiez à Lille ou à l’étranger ?

    Oui, il y en a eu quand je jouais à Valenciennes. J’avais des approches de Rennes et de Bordeaux comme clubs français. J’avais également l’opportunité de connaître un championnat étranger, le championnat allemand notamment et c’est pour que j’ai choisi de signer à Stuttgart à l’époque. Mais oui, il y a eu des contacts entre mon agent et Bordeaux.

     

    Est-ce que ça vous aurait plu de jouer à Bordeaux ?

    Bien sûr ! Franchement, Bordeaux c’est une équipe que j’ai toujours apprécié. J’adorais cette équipe quand j’étais petit. J’étais fan de Sylvain Wiltord. J’ai toujours été attiré par le maillot, j’adorais le scapulaire. Je me souviens d’un voyage scolaire où on avait visité le Haillan et on avait rencontré Pascal Feindouno à ses débuts et Elie Baup. Ca a été un souvenir qui reste ancré dans ma tête, car ça s’est passé quand j’étais au collège. C’est pour ça que j’ai toujours eu envie de porter ce maillot bordelais mais malheureusement ça ne s’est pas fait.

     

    Vu de l’extérieur, quelle image avez-vous des Girondins de Bordeaux ? Pensez-vous que le club a perdu de son standing ces dernières années ?

    Oui, je ne vais pas vous cacher que je suis très déçu de voir Bordeaux, et pas que Bordeaux, de voir des clubs qui sont installés en Ligue 1 depuis des années mais qui n’arrivent pas à évoluer, à franchir le cap, à se qualifier régulièrement en coupe d’Europe. C’est clairement un club qui doit jouer les premiers rôles. Mais on a l’impression que chaque année, le club redémarre un nouveau cycle, avec de nouveaux joueurs, avec des entraîneurs instables. Je suis très ami avec Youssouf Sabaly, que je considère comme mon petit frère et on échange tous les deux. Youssouf, il est très content d’évoluer à Bordeaux mais je sais que dans sa tête, sans vouloir parler à sa place, il voudrait que le club touche un peu plus l’élite, qu’ils arrivent à se qualifier en Coupe d’Europe, que le club ait plus d’ambitions.

     

    Au sujet de l’histoire de notre club, vous avez joué un match historique pour les Girondins, à savoir le dernier match de Ligue 1 à Chaban-Delmas/Lescure, ce fameux Bordeaux-Nantes du 10 mai 2015. Vous souvenez-vous de l’ambiance ce jour-là ?

    Oui, je m’en souviens, il y avait Nicolas Pallois qui était aligné derrière, on s’était livré un match de fou. Je m’en souviens parce qu’on était en mise au vert, pas loin du nouveau stade. Mais à part ça, je ne pourrais pas vous en dire plus, les matchs se mélangent un peu à force (rires).

     

    Vous jouiez à Valenciennes, l’année du dernier titre de Champion de France pour Bordeaux, en 2008-2009. Quel souvenir gardez-vous de cette équipe de Bordeaux, entraînée par Laurent Blanc à l’époque ?

    Franchement, avec Marouane (Chamakh) et Yoann Gourcuff, c’était une très belle équipe. Il y avait Souleymane Diawara aussi. Je pense que les supporters bordelais doivent rêver de revoir une équipe comme ça, car sur le terrain, ce n’était pas que des bons joueurs mais c’était des combattants. C’était une équipe qui avait une âme. Ils étaient injouables, Marouane et Gourcuff, en pleine bourre. Jussiê qui avait fait une belle saison aussi et derrière le roc Souleymane. Moi, si j’étais supporter bordelais, je serais envieux de cette époque-là.

     

    Johan Audel
    Photo Icon Sport

     

    Dimanche prochain aura lieu Nantes-Bordeaux. Comment jugez-vous la dynamique de ces deux équipes et leur première partie de saison ?

    J’ai régulièrement Gourcuff par message. Je lui en envoie un après chaque victoire, donc si je l’ai régulièrement en ce moment, c’est que je le félicite souvent et que donc les résultats sont bons. Je pense que Nantes est en train de vivre sa meilleure saison en Ligue 1 depuis sa remontée. Pourtant au départ, je n’étais pas convaincu mais quand j’ai vu que Gourcuff avait signé, mon premier réflexe a été de le féliciter et je savais que Nantes avait tiré le gros lot en l’engageant. Et je ne me suis pas trompé car il fait un travail extraordinaire avec cette équipe. Lui qui était fidèle à son 4-4-2, on le voit changer de système parfois et ça paie. Il y a eu la révélation de certains joueurs. Il y a Pallois qui tient la baraque derrière même si je pense qu’il est blessé. Ils ont quand même une très belle équipe.

    Après, Bordeaux, je ne sais pas, ils alternent le bien et le moins bien. Je suis allé les voir jouer contre l’OM : Bordeaux menait et Bordeaux se tire une balle dans le pied pour ressortir les ballons propres. L’entraîneur, je pense qu’il fait du bon travail car il a obtenu de bons résultats qu’il fallait aller chercher quand même, mais ils ont du mal à confirmer en fait, mais je ne sais pas à quoi s’est dû. C’est dommage, car c’est une équipe qui a de bons joueurs, qui joue bien au ballon et qui se procure beaucoup d’occasions par match, même si pour moi, la venue d’un attaquant ne serait pas un scandale. Même si j’aime beaucoup Jimmy Briand et Nicolas De Préville, je pense qu’il manque un vrai numéro 9 dans cette équipe. Je pense qu’ils vont finir dans la première partie du tableau mais qu’ils auront du mal à accrocher l’Europe.

     

    Comment voyez-vous cette rencontre entre ces équipes ?

    Nantes a une belle équipe mais je pense que Bordeaux peut faire un résultat. C’est compliqué car ce sont vraiment deux équipes qui alternent le bien et le moins bien. C’est compliqué de donner un pronostic mais vu l’état de forme de Nantes, ils peuvent poser des problèmes à Bordeaux. Mais en même temps, Bordeaux est capable de tout sur un match.

     

    On présente les match entre Nantes et Bordeaux comme le derby de l’Atlantique. Lorsque vous jouiez à Nantes, est-ce que cette notion de derby face à Bordeaux était vraiment présente ? Était-ce un match particulier ?

    Ce sont les supporters qui le rendaient particulier. Pour moi, le derby c’était contre Rennes. Après les supporters nous le rendaient particulier car ils nous faisaient comprendre dès le vendredi à l’entraînement qu’il fallait absolument l’emporter car eux le considéraient comme un derby. Franchement, ça fait partie des matchs qu’il faut gagner quand on porte le maillot nantais.

     

    Lors de vos années à Nantes, vous avez connu Enock Kwateng, qui évolue aux Girondins de Bordeaux. Que pouvez-vous nous dire de lui ?

    C’était un jeune qui, quand il est arrivé dans le groupe pro, ne nous a pas surpris car il a montré de belles choses en U19 et en CFA. C’est un joueur très solide, costaud et qui met de l’impact dans les duels. Techniquement, il a beaucoup progressé car il avait du mal dans ses centres, sa technique de balle. Je pense que c’était dû à son jeune âge et qu’il se mettait beaucoup de pression. C’est un joueur qui évolue très bien et je suis content de le voir jouer au sein de cette équipe girondine. Je pense que ça fera partie des très bons latéraux de notre championnat. Il faut qu’il confirme, qu’il continue et j’espère qu’il va poursuivre sa carrière le plus longtemps possible à Bordeaux parce qu’il est jeune et il a le temps de voir beaucoup de choses.

     

    Emiliano Sala

     

    Vous avez joué avec de nombreux anciens joueurs des Girondins, et si vous l’acceptez, on aimerait évoquer certains joueurs avec vous, notamment Emiliano Sala. Le 21 janvier, cela fera un an qu’il a disparu, dans ce tragique accident. Vous qui avez joué avec lui, quelle image gardez-vous de lui ?

    Franchement, c’était un coéquipier modèle, exemplaire. Humainement, c’était le coéquipier idéal. Il ne rechigne jamais, ne râle jamais, il est toujours là pour se battre pour vous. On avait juste à se regarder et on savait ce que l’on attendait l’un de l’autre. Dans la vie de tous les jours, c’est un super mec. J’ai commencé à sortir avec lui sur la fin de la saison, les six derniers mois, on se faisait des sorties, j’allais chez lui. On s’était vraiment lié d’amitié sur la fin. Et quand j’ai appris ce accident tragique, j’étais chez mon avocat et j’ai vu que j’avais 15 appels en absence, des messages, j’ai compris qu’il y avait quelque chose qui était en train de se passer. Quand j’ai lu le premier message qui disait « Tu as vu pour Sala ? », je pensais que son transfert était officialisé, que c’était fait. Mais en fait, en sortant de là, j’ai regardé les news et j’ai appris cette triste nouvelle. J’étais abattu. C’est un gars en or. J’aime bien parler de lui au présent car il est là, il veille sur nous.

     

    Vous avez côtoyé un autre ancien joueur Girondin, David Sommeil, qui a été victime d’un malaise cardiaque en 2008 à l’entraînement… Est-ce que vous vous souvenez de ce moment et surtout est-ce que vous avez des nouvelles de lui ?

    Je me souviens de ce moment, comme si c’était hier. Il était avec moi et avant l’entraînement, il me dit qu’il se sent fatigué. Je lui ai dit de parler avec l’entraîneur pour se reposer car il n’y avait pas de match ce weekend, c’était une période tranquille. Je lui dis : « repose-toi, ne t’entraîne pas » et il me répond que non, que ce n’était que du jeu, qu’on allait s’amuser, se régaler. On était dans la même équipe, on faisait un tournoi à trois équipes. Il chambre car son dernier but c’était un lob sur Willy Grondin. Ensuite, notre équipe sort du terrain et là on le voit tomber par terre et commencer à agoniser, à avaler sa langue. C’était des images horribles. Je le considérais comme mon grand frère, on revenait de vacances ensemble. Il prenait beaucoup soin de moi, il me conseillait. C’était mon mentor dans le groupe. Franchement, j’étais abattu, c’était très difficile de le voir dans cet état-là. Malheureusement, je n’ai pas trop de nouvelles, j’essaie d’en avoir via William Gallas, les gens que l’on a en commun. C’est difficile d’en avoir mais j’espère que là où il est, il est bien et que Clarisse prend bien soin de lui et que tout se passe bien pour ses enfants.

     

    Vous avez connu la sélection de Martinique également, et là aussi deux anciens bordelais étaient avec vous : Julien Faubert et Kévin Olimpa. Pouvez-vous nous parler de cette expérience ?

    C’était une bonne petite expérience. Moi qui n’ai pas connu l’équipe de France, même c’était un objectif dans ma carrière, je n’ai pas eu la chance de porter le maillot bleu. J’ai pu quand même représenter mon pays car nous les martiniquais, on aime bien parler de pays, même si on sait que l’on est un département français. C’était une très belle expérience de porter ces couleurs-là, de chanter la marseillaise, de représenter la Martinique dans une grande compétition, contre les Etats-Unis, le Mexique… Le fait d’avoir été en sélection m’a permis de rencontrer Julien Faubert et Kevin. Deux bons gars qui eux aussi ont voulu apporter leur expérience de joueur professionnel à la Martinique. Julien a fait une très belle carrière, on ne le présente plus. Il a apporté beaucoup à Bordeaux, c’est là qu’il s’est révélé. C’est un taulier, un joueur emblématique du club des Girondins. Je pense que c’est un bon représentant du club car il nous parlait beaucoup de ses années bordelaises, il est très attaché à Bordeaux.

     

    Un très grand merci à Johan pour la qualité de ses réponses, et pour avoir répondu à des sujets peu évidents. Bonne continuation, et à bientôt !