Interview G4E. Léonard Specht : “Quand je vais à Bordeaux, les gens m’accueillent encore comme si j’étais un des leurs”

    Léonard Specht possède l’un des plus beaux palmarès du football français, lui qui est passé dans deux clubs : le Racing Club de Strasbourg Alsace, et les Girondins de Bordeaux. A l’occasion de la rencontre qui se profile entre ses deux anciennes équipes, l’ancien défenseur s’est exprimé sur divers sujets, avec beaucoup de souvenirs évidemment, mais surtout l’actualité de ses deux ex-clubs sur le papier, mais toujours dans son cœur. Un grand merci à Léonard pour le temps qu’il a su trouver et nous accorder, et à très bientôt. Interview. 

     

    Trois titres de Champion de France, deux Coupes de France avec Bordeaux (bien sûr, il y a aussi ces titres de Champion avec Strasbourg, D1 puis D2). Quels souvenirs gardez-vous de votre période bordelaise de cinq ans ?

    Trois titres, deux coupes… Une demi-finale de Coupe d’Europe. C’était une grande, grande période. Grande équipe, grand club, grand entraîneur… Et surtout une région extraordinaire. On s’est, avec toute la famille, bien adapté. Les enfants se sont fait des amis, nous aussi, des amis qu’on a d’ailleurs toujours. De vrais amis, aussi bien au niveau du foot, que d’autres personnes. Il y a des gens que je revois encore régulièrement comme Bernard Lacombe, René Girard, Alain Giresse, Patrick Battiston, Marius Trésor, Jean Tigana… Tous ces gens, je les ai régulièrement au téléphone, je les vois régulièrement. Ce sont des liens pour la vie, des liens importants.

     

    Quel est le plus beau des titres pour vous avec Bordeaux ?

    Oui, le premier titre avec Strasbourg est important pour moi, mais ce serait le premier de Bordeaux. Le premier de Bordeaux était trop fort aussi parce que c’était le premier de Bordeaux en 1995 ! On a fêté ça pendant plusieurs jours et même plusieurs nuits (rires). Ce n’était pas dans nos habitudes, on avait plus l’habitude d’être relativement professionnels. C’était une génération de joueurs qui étaient de grands passionnés, on faisait tout pour le foot. Notre vie, c’était le foot, mais là, on a un peu fêté, plus que d’habitude…

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    Il y a quand même une petite part d’ombre… avec cette demi-finale face à la Juventus. Qu’est-ce qui a manqué pour que cette génération gagne une Coupe d’Europe ?

    Je pense qu’il ne manquait pas grand-chose. Pour la gagner, mais ce petit quelque chose, il n’était pas là. On était presque au sommet de l’Europe, et on ne l’a pas franchi. Peut-être que les français n’étaient pas aussi gagneurs, un peu plus tueurs, comme l’auraient peut-être dû l’être. Peut-être que dix ans après, on aurait gagné… La Juve était la meilleure équipe de très loin, mais au match aller on avait fait un petit peu un complexe de je ne sais pas quoi… Le match retour, on a joué sur notre valeur et on les a quand même bousculés.

     

    Comment vit-on ces rencontres entre Strasbourg et Bordeaux, vos deux « clubs de cœur » quelque part. Cela doit toujours être un moment particulier où vous êtes tiraillé entre un club ou l’autre ?

    Le club où j’ai grandi, vécu, où je suis toujours administrateur, c’est Strasbourg. Donc indiscutablement, c’est mon club. Mais c’est vrai que Bordeaux est un club qui me tient aussi à cœur et quand je vais là-bas, les gens m’accueillent encore comme si j’étais un des leurs aujourd’hui. Je me souviens à l’époque des matches entre Bordeaux et Strasbourg, ce n’était pas évident. Même quand j’étais avec le maillot de Bordeaux. Quand Strasbourg faisait match nul chez nous, je n’étais pas trop déçu, je me disais que c’était bon pour eux comme ils avaient des difficultés. Et Bordeaux était devant… Ce sont deux clubs que je suis régulièrement. Quand il y a un match de Bordeaux à la télé, je le regarde, je le suis vraiment de très près ».

     

    Vous n’avez connu « que » deux clubs dans votre carrière : Strasbourg et Bordeaux. Est-ce qu’on peut dire qu’aujourd’hui, il y a un peu moins l’amour du maillot chez les nouvelles générations ?

    Je crois que c’est un phénomène qui n’est pas que dans le foot. Dans le basket, dans d’autres sports, ou même au niveau de l’entreprise. Il y a quarante ans, quand une personne faisait la même entreprise pendant quarante ans, c’était très bon, quelqu’un de remarquable. Aujourd’hui, quand quelqu’un reste dans la même entreprise pendant trente ans, on dit qu’il n’est pas bon. La société a changé, la vie a changé. Les jeunes changent très vite, on zappe constamment devant la télé. C’est une autre génération. On ne prend pas parfois des gens parce qu’ils n’ont pas d’expérience ou de vécu. La vie et la société ont changé, et cette flexibilité et cette adaptabilité, font partie un peu des qualités des jeunes d’aujourd’hui. C’est la vie qui a changé ».

     

    Justement donc, hasard du calendrier, Strasbourg et Bordeaux se rencontrent en championnat et en demi-finale de la Coupe de la Ligue. Quel regard portez-vous sur ces deux rencontres, et y a-t-il une priorité à avoir ?

    La chance qu’on a, c’est que ce sont deux clubs qui vont se maintenir et ça, c’est une bonne chose. Pour Strasbourg, l’objectif était toujours le maintien. Les derniers résultats ont fait qu’en principe, quel que soit le résultat du match de Bordeaux, la situation de Strasbourg n’est pas difficile, car elle est bien classée. C’est vrai que passer la demi-finale de la Coupe de la Ligue, pour Strasbourg ce serait quand même une belle performance, parce qu’après il y a la finale… Et en finale, vu les deux adversaires qu’il reste, c’est tout à fait jouable. Je serai surement derrière Strasbourg parce que c’est le club de mon cœur, mais si Bordeaux prenait un point en championnat et se qualifiait en finale de la Coupe de la Ligue, je serais content, les strasbourgeois aussi ».

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    Vous êtes venu en décembre 2017 au Matmut Atlantique. Qu’avez-vous pensé de ce stade ? Cela n’a pas grand-chose à voir avec Lescure…

    J’y étais aussi l’an dernier lors d’un des derniers matches, face au PSG. Je trouvé ce stade très beau, magnifique. Il y a une belle architecture. C’est presque une œuvre d’art de très loin, et même à l’intérieur, c’est un beau terrain de foot. Lescure on l’aimait bien, le vieux Lescure puis le rénové, c’était quelque chose qu’on aimait. C’était un stade particulier, avec une entrée au stade particulière, il y a une grande histoire. Mais aujourd’hui, le nouveau stade est un beau stade, il est magnifique. Il est en accord avec le temps d’aujourd’hui, et surtout avec cette classe bordelaise. Bordeaux est une belle ville, qui a énormément changé, une ville classe. Et donc un stade classe, c’est bien.

     

    Que pensez-vous du rachat des Girondins de Bordeaux par le fonds d’investissement américain ?

    J’ai suivi ça de très loin, je ne peux pas commenter ce choix des dirigeants. Je ne connais pas les raisons qui ont poussé à ce que ça se passe comme ça.

     

    D’accord, mais rien que le terme « fonds d’investissement », vous pensez que cela puisse être réjouissant, ou au contraire il peut y avoir des craintes ?

    Disons que je connais l’expérience de Strasbourg à ce sujet. Notre actionnaire principal avait vendu à un fonds anglais, et ça s’est très mal passé. Donc je souhaite tout simplement que pour Bordeaux cela se passe beaucoup mieux (sourire).

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    Photo FCGB

    En avril 2018 vous êtes repassés sur Bordeaux et au Haillan. Qu’est-ce que cela vous a fait de redécouvrir ces lieux ?

    Oui, je suis repassé au Haillan en avril dernier, j’en ai profité pour revoir Patrick Battiston, Ulrich Ramé était là aussi. Le Haillan, c’est quelque chose, c’était notre quotidien. Je suis souvent revenu au Haillan, depuis que j’ai quitté Bordeaux. Quand j’essayais de vendre le tramway à l’époque à Bordeaux, je faisais mes repas d’affaire au Haillan, j’y invitais mes clients. C’était mon quotidien. J’avais l’impression toujours de revenir un peu chez moi.

     

    Vous réalisez des stages de football pour les jeunes encore aujourd’hui. Pouvez-vous nous en parler ? (A retrouver ICI, sur le site internet dédié aux stages).

    « C’est quelque chose que j’ai découvert à Bordeaux à l’époque. J’étais à Bordeaux, j’allais beaucoup voir ce qu’il se passait dans le Sud Ouest et il y avait beaucoup de stages qui marchaient bien. Je me suis dis ‘tiens, le jour où je rentre à Strasbourg, je vais faire la même chose’. Cela fait près de 30 ans que ça existe, qu’il y a près de 250 jeunes footballeurs par semaine l’été qui viennent rêver d’être pro. Ça marche toujours, c’est un concept qui plait. Il y a le foot, et c’est aussi une école de la vie. Dans le foot, il n’y a pas que le talent, il y a les efforts, l’esprit d’équipe… Ce sont des valeurs que j’essaye de transmettre encore pendant mes vacances d’été aux jeunes qui veulent bien venir ».

     

    Un grand merci encore à Léonard !