Laurent Perpigna : “On a été la première tribune française à prendre position contre l’homophobie. On a déjà fait un travail là-dessus, où on s’est presque autocensuré”

    C’est le “grand sujet” depuis quelques semaines maintenant, l’homophobie au niveau des chants de supporters. Laurent Perpigna est longuement revenu, pour Le Point.G, sur cette absurde accusation faites aux groupes de supporters, comme aux Girondins de Bordeaux.

    « Je suis consterné par ce qui se passe. Je vais rester à l’échelle locale, surtout sur la question bordelaise. On a été la première tribune française à prendre position contre l’homophobie il y a trois ou quatre ans. On a sorti une immense banderole pour un match : ‘Ultras contre l’homophobie’. Derrière ça, on a aussi travaillé sur les chants. Des chants d’insultes, je n’étais même pas né qu’il y en avait déjà, et de loin. Et il y avait des chants qui n’étaient pas prétendument homophobes, mais qui l’étaient de facto parce que finalement en utilisant certains mots, certaines expressions, c’était de l’homophobie, oui. On travaille dessus depuis presque dix ans en disant qu’insulter l’adversaire, c’est quelque part le déstabiliser, oui. Le traiter de manière à ce que cela puisse être perçu comme de l’homophobie, non. On a déjà fait un travail là-dessus donc, où on s’est presque autocensuré. Ce travail-là est presque mis en péril par ce qui se passe aujourd’hui puisqu’on nous dit qu’on n’a plus le droit de dire ça, ou ça, la police de la pensée. Non, le débat n’est pas là. Ce qui est en train de se passer aujourd’hui, si on essaye de voir clair dans le jeu des autorités, c’est qu’ils n’en ont pas marre des questions d’homophobie dans les tribunes puisque l’homophobie est sociétale. Il n’y a pas d’acte homophobe à ma connaissance dans les tribunes de football. Qu’il y ait des difficultés pour des personnes LGBT à exister dans les tribunes populaires de football, certainement, et c’est un enjeu du futur, il faut travailler dessus. Mais il n’y a pas d’acte homophobe à proprement parler. Il y a des chants très maladroits, qu’il faut cesser. Maintenant, ce qui est en train de se passer, c’est qu’ils sont en train d’instrumentaliser la souffrance des personnes LGBT. Ils ont un peu marre d’être insultés, notamment la Ligue de Football Professionnel qui est insultée par tous les Kops à quasiment tous les matches. Donc ils ont retourné la question en disant qu’ils allaient nous coller l’étiquette d’homophobes, comme ça ils arrêteront de nous insulter. Quand on dit « La Ligue on t’**** », il faudrait essayer de voir et de comprendre en quoi c’est une question qui relève de l’homophobie. Il faudra poser un cadre. Chanter « La Ligue c’est des P* », là ça serait clairement un chant à caractère homophobe, oui. Dans le premier cas cité, non. C’est une injure, oui, clairement, mais il n’y a pas de caractère homophobe derrière. C’est une espèce de disqualification qui nous est attribuée, pour essayer de nous faire taire. On est un peu consternés parce qu’on essaye de faire un travail qui est le plus inclusif possible en tribunes, en disant que pour les supporters des Girondins de Bordeaux il n’y a pas de standards. Il peut venir de n’importe quel pays, de n’importe quelle ville, il n’a pas besoin d’être de Bordeaux… Ca peut être un parisien, s’il aime le club il a sa place dans le virage. Il a sa place quelle que soit sa culture, quelle que soit sa religion, et encore une fois quelle que soit sa sexualité, c’est quelque chose qui n’a pas à interférer là-dedans. Donc on va continuer de mener ce travail, et on ne manquera pas de rappeler aux instances que ce débat est bien organisé de leur part puisque, quelque part, les discriminés, c’est nous, pas eux ! Ce n’est pas la Ligue ! Ils sont occupés d’inverser le rapport de domination à faire penser que les mauvais élèves, c’est nous, que les discriminants c’est nous, que les discriminés, c’est eux. Non. Les discriminés dans le monde du football, ce sont les tribunes populaires de football, il ne faut pas inverser le rapport de domination ».

    Le Point.G

    Retranscription Girondins4Ever