[AJ] Girard : “Cette question d’incompatibilité, je l’ai posée il y a trente ans à Aimé Jacquet”

     

    Toujours dans la longue interview pour France Football, René Girard revient sur sa forte personnalité dans un métier comme celui qu’il exerce aujourd’hui avec des moments de questionnements. Aimé Jacquet fût une des personnes qui répondit à ses questions. “Cette question d’incompatibilité, je l’ai posée il y a trente ans à Aimé Jacquet. C’était une réflexion […] on se dit: ‘Mais j’ai vraiment une tête de monstre comme ça?’ J’en avais plein le dos qu’on me dise: ‘Oui, il y a ça, c’est bien, mais on a peur de ton comportement’. Mentir ou dire n’importe quoi, ce n’est pas mon truc, là-dedans je ne suis pas bon. Quand j’ai appelé Aimé, c’était à une période où je devais déjà avoir un peu les boules. Avec lui, on s’est toujours dit les choses de manière très honnête. Donc, j’ai décroché mon téléphone. Et il m’a répondu: ‘Surtout ne change pas!’ Et qui sait s’il a été décrié lui aussi […] En appelant Aimé, je voulais savoir s’il fallait changer de personnalité pour exister. Moi, je ne peux pas dire à quelqu’un en le regardant en face ‘je t’aime bien’ si je pense que c’est un con. C’est mon problème. Quand je suis à Lille et que j’entends dire que le projet de repartir avec des jeunes ne m’intéresse pas, c’est faux. Je ne peux pas l’accepter. Quand on ne veut pas avaler des couleuvres et en prendre plein la gueule, il faut savoir dire stop”.

    Autre étiquette qui lui est attribuée, celle d’un entraîneur défensif, trop restrictif et qui ne prône pas le beau jeu. “Le football professionnel, c’est quoi? Moi, Coubertin, je n’y crois pas trop. Il y a vingt clubs en Ligue 1 et tout le monde veut être dans les dix-sept qui vont se maintenir. Mais on ne finit pas champion de France en faisant n’importe quoi et en mettant n’importe quel football en place. L’année du titre avec Montpellier, on finit troisième meilleure attaque et meilleure défense avec un Paris Saint-Germain en train de grandir. Sur les six dernières années, j’ai fait trois fois dans les cinq premiers. Un entraîneur écrit des lignes et derrière la vie continue”. Avec un titre de champion de France en 2012, le sentiment que  son travail n’est pas reconnu comme il devrait l’être est légitime. “Je ne vais pas aller prier tous les jours la Bonne Mère pour qu’on me reconnaisse. Je le dis toujours aux joueurs: quand on regarde dans le rétroviseur, ce qui compte, c’est d’avoir existé et de laisser quelque chose derrière soi. Quand je me retourne et que je vois ce que j’ai réalisé en tant que joueur et entraîneur, c’est quand même réconfortant. Mais cela me gêne de parler de ça. Cela donne l’impression de vouloir se justifier. Avant de dire n’importe quoi, il faudrait prendre en compte mon palmarès. Et si on était objectif, on ne dirait pas tout à fait les mêmes choses de moi […] Il y a des personnes que l’on adore et qui n’ont fait que du bla-bla, d’autres que l’on n’aime pas et qui ont fait des choses. Je n’ai rien réussi de grandiose, mais je suis fier de ce que j’ai fait. J’ai la chance de n’avoir jamais été lâché par mon groupe. C’est ça qui est rageant, ce n’est pas toujours la vérité qui ressort. Mais on ne peut pas passer sa vie à se justifier. Moi, ma façon de le faire, c’est le terrain”.

    France Football