Gillot : “Bordeaux, un club attirant”

     

    Long entretien aujourd’hui dans La Voix du Nord avec Francis Gillot, qui revient sur ses années lensoises, jusqu’à ses années bordelaises.

     

    – Ça vous fait quoi, Francis, de revenir à Lens ?

    « Ça fait plaisir. Le Racing étant descendu en Ligue 2, je n’ai malheureusement plus la chance de revenir au moins une fois dans la saison au stade Bollaert. C’est embêtant, car j’ai toujours beaucoup d’amis là-bas. À cela s’ajoute le fait que “Siko” a pris l’équipe. On s’appelle souvent. Récemment, j’étais revenu à Lille. On a mangé ensemble. En plus, je trouve que les deux clubs se ressemblent. Lens est dans le milieu de tableau, comme nous. »

     

    – Lens, c’est une vraie tranche de vie…

    « Je suis quand même resté neuf ans en tant que joueur, et trois comme entraîneur. Douze ans, c’est un bail ! En plus, c’est ma région (il est originaire de Villers-Sire-Nicole, dans l’Avesnois). Ma famille est toujours là-bas et beaucoup de gens que j’apprécie s’y trouvent aussi. Au Racing, il y a des mecs que je connais depuis vingt ans : Laurent Hochart, Didier Sénac, “Siko”. Vingt ans, vous imaginez ! »

     

    – Mais il n’y a plus Gervais Martel…

    « Ça me désole. Je l’ai revu récemment au golf d’Arras. Gervais est quelqu’un qui vivait pour son club. Ça doit lui manquer terriblement de ne plus être là, ça fait mal. Il doit beaucoup souffrir, car c’est un passionné. Avec quelques-uns, comme Molinari, Nicollin, il était ce que l’on appelle un président emblématique. Bien sûr, il y avait aussi M. Delelis, mais Gervais était là. »

     

    – Vous étiez là également…

    « Eh oui mais, vous savez, c’est le lot de tous les entraîneurs de partir un jour et d’être remplacés ! Un entraîneur dépend des joueurs. »

     

    – Comment analysez-vous les événements qui ont conduit à votre départ du club en 2007 ?

    « Il y avait un environnement qui ne voulait plus de moi. Pourtant, nous étions à notre place (5e). Vu ce qui s’était passé, je trouve qu’il était logique d’être là. On avait perdu deux très bons joueurs à la trêve (Thomert et Jussiê). En outre, à Troyes (lors de la dernière journée), Bisevac était blessé, Dindane jouait sur une jambe et je ne pouvais pas mettre Cousin, car les gens l’avaient pris en grippe. Tu ne peux pas aller chercher un truc dans ces conditions. Mais déjà avant Troyes, il y avait eu Lyon, où on perd 3-0. Les joueurs font l’entraîneur. Et puis, les gens pensaient que ça irait mieux avec un entraîneur expérimenté, que le club pourrait aller plus haut. J’observe que l’année suivante, Lille eut le même parcours que nous. Ils visaient la Ligue des champions. Or, le dernier jour, ils sont tombés à Lorient et se sont retrouvés cinquièmes. C’était la même configuration. Or, ils n’ont rien remis en cause. Cinquième, ce n’était pas si mal. Notre parcours européen avait laissé des traces. En mars, nous avions joué dix matchs, des joueurs tiraient la langue ou souffraient dans leur corps ! »

     

    – Après Lens, il y eut Sochaux. Un vrai pari que vous avez gagné…

    « Oui, mais ç’aurait pu aussi faire pschitt ! Quand je suis arrivé, nous étions à cinq ou six points du premier non relégable. Là encore, ç’aurait pu être vite le début de la fin pour moi… »

     

    – Vous avez pourtant réussi.

    « On a réussi à se sauver, parce qu’il y avait un groupe. C’est tout le temps avec les joueurs qu’on réussit dans le football. Plus j’avance dans ce métier, plus j’en suis convaincu. Avec une vraie équipe, tu peux voyager ! »

     

    – Pourquoi avoir choisi ensuite Bordeaux ?

    « Parce que c’est toujours un club attirant. Aujourd’hui, il y a pourtant un virage à prendre. Nous avons enregistré beaucoup de départs(Gouffran et Jussiê à la trêve). Il va falloir faire attention à ce que l’on va faire à la prochaine intersaison. Ce sera un tournant dans la vie du club, une année charnière, surtout avec la taxe à 75 % sur les hauts salaires. Bordeaux n’a plus les moyens d’il y a quelques années, c’est clair. »

     

    – Après une période plutôt favorable, le club marque le pas sportivement. Pourquoi ?

    « Nous avons été pleinement concentrés sur l’Europe (les Girondins ont été éliminés récemment par Benfica, en Europa League). Or, quand tu joues l’Europe à fond comme on l’a fait, tu paies les pots cassés ! En plus, on a perdu deux très bons joueurs : notre meilleur buteur (Gouffran) et notre meilleur passeur (Jussiê). Derrière, on prend un jeune (l’Uruguayen Rolan)qui se blesse, et ceux qui doivent prendre la relève ne le font pas. Nous nous situons entre la septième et la dixième place. On n’est pas plus forts que Toulouse ou Nice. On est dans les mêmes eaux. »

     

    – Il vous reste donc la Coupe de France pour tirer votre épingle du jeu. Problème : il y a Lens…

    « On y va pour gagner bien sûr. Ça va être difficile pour plein de raisons, mais c’est dans ma philosophie de viser haut. Jusqu’ici, Bordeaux est toujours passé de justesse en Coupe. Même si c’est in extremis à Lens, je m’en contenterai ! »

     

    – Avez-vous parlé de ce match avec Éric Sikora ?

    « Bah non, on n’en a pas parlé ! Nous sommes de grands garçons. On sait que l’un d’entre nous va tomber. Mieux valait ne pas évoquer le sujet. On a des liens d’amitié très forts, ça permet de parler d’autre chose ! »

     

    – Quelle vision avez-vous du Racing d’aujourd’hui ?

    « Le club est aujourd’hui dans le ventre mou de la Ligue 2. “Siko”, Didier (Sénac) et les autres techniciens mettent tout en oeuvre pour faire bouger les choses, mais ce n’est pas simple. Pour tous les gens, le Racing reste le Racing. Un club fort ne disparaît pas comme ça. »

     

    – Éric Sikora, entraîneur du Racing, vous l’aviez imaginé ?

    « Absolument. J’étais convaincu qu’il serait là un jour. C’était dans la logique des choses. Quand tu entraînes pendant quatre-cinq ans les jeunes, il est logique qu’on fasse appel à toi. Moi aussi, j’ai commencé comme ça. »

     

    – Comment avez-vous interprété ses premiers pas dans la fonction ?

    « Quand il y a un nouveau coach, les joueurs se montrent, c’est ça qui fait la différence. Les résultats ont donc suivi. Les entraîneurs ne sont pas des messies. Je répète que ce sont toujours les joueurs qui te font ! Quand il y a un surplus d’envie, les choses s’enclenchent mieux, des jeunes arrivent et la mayonnaise prend forcément. »

     

    – Et vous, votre carrière d’entraîneur vous plaît-elle ?

    « J’agis au coup par coup. Franchement, je n’ai pas de plan de carrière. De toute façon, dans ce métier, on décide souvent pour toi. J’ai signé à Bordeaux car les gens sont vraiment sympas. J’ai envie de faire quelque chose ici. Après, si je ne rentre plus un jour dans les plans, je partirai… Je vais avoir 300 matchs au compteur, je connais la musique ! Je sais qu’on décidera toujours pour moi le moment venu. »

     

    – Mercredi, Bollaert sera plein, ça va vous rappeler des souvenirs…

    « Ce sera un bel événement, il y aura de la bonne humeur. Les Lensois seront majoritaires, mais nos supporters seront là aussi, puisque le match ne sera pas retransmis à la télévision. À Kiev, en Europa League, ils n’étaient pas aussi nombreux que les Ukrainiens, mais on les avait entendus tout de même. Il y a un bon groupe chez nous. » •

     

     

    Lavoixdunord.fr, par Pierre Diéval.