La formation, by Battiston

     

     

    Dans son émission Soir de Foot sur Gold Fm, Alain Bauderon recevait l’ancien joueur bordelais, Patrick Battiston. Responsable du centre de formation, et également en charge de l’équipe réserve du club, les deux hommes ont longuement évoqué l’organisation de la formation des Girondins, dont voici de nombreux extraits de cette interview très intéressante.

     

     

    Tout d’abord, Patrick Battiston a répondu à une première question d’un auditeur concernant la propension du club à former et faire éclore principalement des défenseurs :

     

    « C’est peut-être plus facile de s’imposer en étant défenseur. Au niveau des attaquants, il y a des déplacements, une maîtrise, et je pense qu’il y a des choses qui sont innées. On peut le travailler évidemment, au niveau de la maîtrise devant le but, la pondération, le bon choix, le calme. Il faut du temps parfois pour certains, et c’est ce qui arrive à certains de nos jeunes joueurs. On a vu par exemple Hadi Sacko, qui est entré plusieurs fois, qui manifeste de la précipitation dans son désir de bien faire. C’est un jeune joueur, qui nous a rejoint il y a deux ans seulement, et il va continuer à travailler. Dans certains clubs, on a besoin d’avoir tout de suite des joueurs chevronnés. La difficulté, c’est de faire prendre conscience aux jeunes d’être attentif aux moindres détails, surtout quand on passe de la formation aux professionnels. »

     

     

    Il est ensuite revenu sur les cas de joueurs n’ayant pas été conservés par les Girondins, et ayant réussi dans d’autres clubs :

     

    « On ne peut pas jouer uniquement avec des jeunes joueurs. Quand j’ai débuté, il n’y avait que des trentenaires autour de moi dans l’équipe et ça a favorisé ma progression plutôt rapide. Ces jeunes joueurs sont aussi parfois impatients. Mais l’entourage, dès qu’un joueur pointe le bout de son nez et ne joue pas, on veut le changer. Il faut rester raisonnable. Il faut travailler, les choses ne s’acquiert pas comme çà parce qu’on a envie. Il faut du temps. Le départ de Bruno Ecuele Manga m’a attristé. C’est un garçon que j’aurais gardé par affinité. C’est un bosseur, et on se dit qu’à un moment, il va montrer. Mais c’est comme çà. Grzegorz Krychowiak est surement parti parce qu’à ce moment, d’autres joueurs étaient en avance sur lui dans l’équipe. Et pour son bien, il valait mieux jouer plutôt que rester sur le banc. Ça a été un choix, et tant mieux s’il réussit. Ça veut dire que les joueurs ont pris conscience de leur potentiel. Parfois ils tardent à se révéler, mais on peut être content de les voir réussir, comme Paul Lasne, Olivier Auriac en Ligue 2. »

     

     

    Il est d’ailleurs revenu plus en détail sur le départ de Bruno Ecuele-Manga, dont il ne souhaitait pas se séparer à l’époque :

     

    « Bruno m’a appris qu’il prenait le train pour Rodez. Je lui ai dit de manquer le train et ne pas aller à Rodez. Mais c’était compliqué. Je n’allais pas m’opposer, j’avais mon sentiment, mais on ne m’a pas posé la question. C’est facile de dire “je voulais qu’il reste” parce qu’il a fait une bonne petite carrière, mais c’est un joueur avec lequel j’aurais voulu continuer à travailler. Mais il se trouve qu’il y avait une demande. Je l’ai vu partir avec regrets, et il est venu me saluer au Moustoir, et me donner son maillot dédicacé. Ça veut dire qu’il garde un bon souvenir de son passage. C’est quelqu’un de bien, qui incarne bien ce qu’on attend d’un footballeur professionnel, avec une attitude digne. »

     

     

    La saison avance, et l’avenir sportif et contractuel des jeunes du centre de formation sera bientôt à l’étude :

     

    « C’est une discussion qu’on a avec le président, mais aussi avec l’entraîneur et le staff professionnel. Francis Gillot voit, s’intéresse à ce qu’on fait. Je l’ai eu il y a quelques temps au téléphone, il regardait le match de CFA. C’est un signe fort. C’est le message que j’ai fait passer aux joueurs de CFA. Je leur ai dit : “les matchs sont regardés, que ce soit Franck Mantaux, Alain Bénédet, René Lobello ou Francis Gillot”. Le joueur s’entraîne, fait le maximum et doit savoir que les matchs sont vus. On va discuter prochainement si des joueurs sont capables. Ça dépendra aussi de l’effectif professionnel. »

     

     

    Il a ensuite développé au sujet de ce lien qui le lie avec le staff de l’équipe professionnelle, mené par Francis Gillot, et les répercussions sur les joueurs qu’il entraîne :

     

    « On a la chance de s’entraîner au même endroit, ce qui n’est pas le cas de toutes les équipes professionnelles. Moi, je suis à la disposition en cas de besoin pour un entraînement. J’ai toujours des retours, quand ils vont à l’entraînement, par le staff professionnel. On peut donner aussi des informations sur les qualités et l’état de forme des joueurs. On ne s’appelle pas tous les jours, ce n’est pas mon rôle, et puis avec les matchs tous les trois jours, il était nécessaire de laisser l’équipe professionnelle se préparer correctement et ne pas les poluer avec nos soucis. On a la chance d’avoir un contact facile, et on nous pose des questions, pas spécialement à moi, mais aussi à Yannick Stopyra, Pierre Espanol ou Marius Trésor. Les messages passent. C’est plutôt agréable d’avoir une relationnel comme çà. »

     

     

    La formation ne concerne pas uniquement l’aspect sportif, et le club, ainsi que l’ensemble du staff s’attelle à poursuivre l’éducation de ces jeunes, tant d’un point de  vue scolaire que du comportement :

     

    « On nous fait souvent la remarque: “Qu’est qu’ils sont bien élevés vos jeunes ! Ils saluent, ils sont souriants, ils enlèvent la casquette, ils sont polis”. Nous avons joué à Plabennec. Nous avons pris une collation dans un bar sympa, en regardant le match d’Arsenal pour patienter avant la rencontre. Nous sommes partis, et on nous a félicité pour le comportement de nos joueurs. Ça nous touche, c’est notre leitmotiv. Notre rôle, c’est d’être proche, de donner de bons conseils, dans l’attitude, le comportement. […] C’est tout bête, mais ça fait partie de l’apprentissage. Au niveau de la scolarité, c’est pareil. C’est notre responsabilité de le faire. Nous avons eu 100% de réussite au bac l’an dernier. »

     

     

    Le recrutement et la détection au sein du centre de formation n’est pas anodin. La cellule de recrutement a été renforcée ces derniers mois par l’arrivée de Yannick Stopyra, suite au départ de Philippe Goubet. Patrick Battiston a apporté des précisions sur son fonctionnement :

     

    « Nous avons un responsable du recrutement. Il y a quelques années, Guy Hillion était en charge de cette fonction, remplacé par Philippe Goubet, et maintenant Yannick Stopyra. Chacun gérait le pôle recrutement avec différents scouts qui observent partout en France. Yannick a des responsables locaux importants, qui ont des gens qui observent les matchs. Parfois, il y a des choix qu’on ne fait pas, parce qu’on a aussi bien ou mieux. C’est difficile à faire comprendre. Parfois, nous ne sommes pas bons. Il nous a manqué quelque chose ou on veut prendre un joueur, mais le club ne lui suffit pas et il va ailleurs. On essaye quand même de s’appuyer énormément sur la région. Parce qu’il y a du talent, indéniablement. Après, ça s’ouvre sur tout le grand Sud-Ouest, sur le Sud, sur Paris. On a des correspondants importants, notamment sur Paris. On travaille depuis quelques temps avec un scout Arnaud, qui fait un travail colossal, et répertorie toutes les informations. C’est analysé, après on peut se tromper dans les choix. »

     

     

    Deux noms ressortent depuis quelques mois dans les propos de nombreux observateurs, Younes Kaabouni et Valentin Vada, dont l’affaire a été médiatisée suite aux différents recours du club pour obtenir sa licence. Patrick Battiston a évoqué à l’antenne les qualités aperçues chez ces deux jeunes joueurs, promis à un avenir radieux … à condition qu’ils fournissent le travail nécessaire :

     

    « Ce sont des joueurs de qualité, mais ce ne sont pas les seuls. Concernant Younes, il jouait avec les U19, et il est arrivé cette année avec nous, avec un problème aux adducteurs. Il a fallu se résoudre à l’opération, parce qu’il s’agissait d’une malformation. On ne pouvait pas faire autrement. Depuis, il est revenu assez rapidement, et a été très performant. Ce week-end, il y a eu du bien et du moins bien. Il faut être patient avec ce jeune joueur, mais il est en devenir. il y a un travail à faire, et il ne plait pas qu’à Bordeaux. Il a un contrat Elite depuis l’an dernier. Il y a d’autres joueurs comme çà. C’est un garçon d’avenir. Concernant Valentin Vada, tout le monde en parle parce qu’on l’a vu, qu’il a été très performant, qu’il a été malin et qu’il a une forme d’expérience et de maturité. Après, il y a une prise de conscience, il faut un travail quand on a le ballon ou pas… C’est quelqu’un qui a des prédispositions.

    Je pense qu’il y a des générations qui sont très intéressantes. On va donner des moyens, mais il y a des paramètres qu’on ne maîtrise pas toujours, parfois l’environnement, ou l’agent. On a un jeune joueur qui était en EDF, et devait être appelé pour le Tour Elite. Malheureusement, des agents ont obtenu son téléphone lui promettant l’Italie ou l’Angleterre. Je ne vais pas dire que c’est criminel, mais … Heureusement que le garçon a la tête sur les épaules. Quand on parle de Valentin, qui est content d’être aux Girondins, ou qu’on demande à Younes, je le crois sincère, son envie est d’être professionnel à Bordeaux, même s’il est regardé par d’autres clubs. »

     

     

    Mentionnant les difficultés rencontrées par certains joueurs pour éclore au haut niveau, il rappelle l’importance du mental, et de la prise de conscience des joueurs :

     

    « Il faut prendre conscience. Le foot n’est pas un long fleuve tranquille, il faut se rebeller, se faire violence, tout n’est pas positif. On peut progresser dans le négatif, mais il faut le montrer. On n’a rien sans rien. Il faut s’investir, savoir tout remuer pour s’imposer. »

     

     

    Enfin, Alain Bauderon a conclu l’émission en abordant la formation à la bordelaise, et l’identité que tente d’inculquer les différents entraîneurs et staffs techniques du centre de formation, basée principalement sur l’adaptation. Patrick Battiston confie d’ailleurs que les meilleurs jeunes sont généralement surclassés :

     

    « Au niveau de la formation, il faut donner des moyens aux joueurs. Il faut favoriser l’intelligence de jeu, au travail de zone. Quelque soit le système, c’est pareil. Il faut donner les moyens de savoir s’adapter, et bien réagir dans les situations. »

     

    […]

     

    « Le président veut une identité de jeu, que les jeunes jouent bien. C’est la volonté du club. Il ne s’attache pas aux résultats, et il veut que les joueurs soient biens, qu’ils jouent biens, et aillent chez les pros. Au travers des résultats, tout s’explique : beaucoup de joueurs blessés, des joueurs qui doivent s’adapter. Quand on prépare nos prévisionnels d’effectif, les meilleurs joueurs de chaque catégorie évoluent à l’étage supérieur. Dans mon équipe de CFA, j’ai les joueurs nés en 94 (et Younes en 95). Dans certains clubs professionnels, ils évoluent en U19. On en parlait avec Philippe Lucas qui avait besoin de ces joueurs, comme en Gambardella. Ils peuvent être meilleurs que les joueurs sur place, mais il faut le montrer, on ne descend pas comme çà. On a un joueur qui est parti récemment en sélection pour le tournoi de Montaigu qui s’appelle Albert Makiadi, né en 1997. On a eu un appel vendredi soir, à cause des blessures pour nous dire : “On souhaite voir Albert, il a fait deux matchs en Turquie”. On leur explique que ça fait six matchs qu’il est presque titulaire avec les U19. Il a joué à Lyon, est rentré, a joué milieu défensif, et a tenu la baraque. On fait jouer les plus jeunes au dessus, et on les met parfois en difficulté. Mais on travaille tout autant. »

     

     

     

    L’intégralité de l’interview est disponible en audio sur le site de Gold Fm.