Tremoulinas et l’EDF

     

     

    Lawrence Leenhardt a réalisé une interview de Benoit Tremoulinas pour SportMag, où le latéral gauche revient plus en détail sur sa sélection en Equipe de France le mois dernier : l’appel tardif de Didier Deschamps pour remplacer Clichy, son entrée tardive de quelques minutes pour sa première sélection, sa découverte de l’EDF mais aussi son apparition sur le mur des internationaux du château du Haillan, et cette chance passée après Laurent Blanc.

     

     

     

    ” Benoît, ton actualité s’est accélérée avec une première sélection en équipe de France ?

     

    C’était une totale surprise. En fait, le coach Gillot avait ajouté un jour de repos après la victoire contre Lorient (4-0). Je me levais d’une grasse mat’ avec ma copine, le lundi matin, on discutait de l’endroit où on allait manger… Bassin d’Arcachon ? Bordeaux ? Et puis le téléphone a sonné, c’était l’intendant de l’équipe de France. Comme je ne le connaissais pas, je n’ai pas cru à une blague ou un truc du genre. Il a fallu faire un sac, ne rien oublier, régler trois trucs, ça a été très vite et quelques heures plus tard, je faisais un footing avec Ribéry !

     

    Et le choix du resto, alors ?

     

    On est allé manger chez la grand-mère de ma copine (rires) !

     

    Tu avais déjà été appelé par Laurent Blanc, pourtant…

     

    Cette fois, je l’ai vécu différemment. Il y avait un nouveau coach, de nouveaux joueurs. Les blessures ont fait que j’étais juste derrière Patrice Evra. Ces trois jours ont été très riches, j’ai pris énormément de plaisir avec les joueurs, il y a eu de vrais moments de partage. On discute avec ses voisins de table, on échange à l’entraînement. Et puis, il y a le match… Le coach m’a demandé de m’échauffer en milieu de deuxième période. Je voyais le temps défiler et le match se compliquer un peu plus, avec les Italiens qui poussaient pour égaliser. En vrai, je m’inquiétais un peu.

     

     

    Au moment d’entrer en jeu, tu as pensé à Franck Jurietti, ton ex-coéquipier, qui a joué 5 secondes, un record, avec les Bleus de Domenech ?


    J’ai joué trois minutes et j’ai touché un ballon ! (rires) Trois minutes, c’est correct ! Et un très bon souvenir. Tout le monde était content pour moi, à la fin du match, mes coéquipiers sont venus me voir, le coach aussi. Ma famille me demandait mes impressions et je lui expliquais que trois minutes ou plus, ce n’est pas l’important, mais jouer, ça change tout. On se sent forcément plus impliqué dans le groupe, un joueur à part entière des Bleus. Ca n’a rien à voir. A la fin, j’avais aussi un sentiment de soulagement mêlé à de la fierté, c’était fort.

     

    A 27 ans, les Bleus, c’est une réelle découverte pour toi, paradoxalement ?


    Totalement, puisque jeune, je n’ai jamais eu la moindre sélection. Même la sélection régionale, c’était difficile à accrocher ! Ma période de formation, ça a été compliqué. J’étais petit, pas formé physiquement… Rien n’a été facile, et heureusement que des éducateurs comme mon entraîneur de Lormont et Patrick Battiston m’ont fait confiance et encouragé. J’ai gravi tous les échelons, étape par étape, sans lâcher, même quand les étapes étaient toutes petites. Oui, c’est vraiment paradoxal. Je suis donc un joueur atypique, dans tous les sens du terme ! Mais regardez Mathieu Valbuena, qui était à la cave quand il a quitté les Girondins, qui a joué en CFA2, et qui aujourd’hui, figure parmi les meilleurs Français.

     

    A Bordeaux, tu vas rejoindre le mur des internationaux du Château, où une photo de chacun décore un salon d’honneur, tu le sais ?


    Bien sûr ! Je l’ai déjà rappelé au président. « J’espère que vous avez préparé ma petite photo, président ! » On peut croire que ce n’est pas grand-chose, ça fait un peu con, mais ça représente beaucoup de faire partie du cercle des internationaux qui ont joué aux Girondins de Bordeaux. Y entrer, ça me tenait à cœur ! Pour moi, formé au club, né ici, c’est une fierté d’avoir ma photo au milieu d’eux, quelque part d’entrer dans l’histoire du club. Chaque saison, lors de la présentation aux Partenaires par exemple, je regardais les uns après les autres les cadres. Franck Jurietti, je m’arrêtais sur lui inconsciemment.

     

    Cette sélection est arrivée par surprise mais pas par hasard…

     

    Déjà, je joue à un poste, latéral gauche, où il y a du monde. Patrice Evra et Gaël Clichy jouent dans les meilleurs clubs d’Angleterre, c’est compliqué. Bordeaux a fini cinquième la saison dernière, on est bien placé aujourd’hui, ça aide. Sur un plan personnel, je crois avoir fait beaucoup de progrès sur le plan défensif. Je me suis concentré sur ce domaine-là pour être plus complet. Le profil du défenseur moderne ? Oui, peut-être. J’arrive à être défensivement plus rigoureux, en montant toujours, tout en gérant mes efforts. Ca fait plusieurs joueurs en un ! La sélection, c’est peut-être la récompense de tout cela.

     

    As-tu pensé à un moment que ton heure était passée ? On disait que tu ne pensais qu’à monter, en oubliant parfois de défendre…

     

    Avec le recul, après le départ de Laurent Blanc, nous nous sommes un peu tous effondrés. On a eu du mal à enchaîner. L’année Tigana, très dure, m’a permis de prendre conscience que je devais mieux faire, même personnellement. Un mal pour un bien, en quelque sorte, qui m’a permis de rebondir. Ce que je fais, ce n’est pas pour les gens, c’est pour moi. Si tu fais tout, à un moment, les efforts paient. Et ensuite vient la reconnaissance. Comme ça se passait mal, on était moins concerné. C’est un peu la faute de tout le monde en fait. Les arrivées de Francis Gillot et de son staff nous ont reboostés. Il y a eu une prise de conscience personnelle aussi. Et une nouvelle dynamique s’est installée, qui porte ses fruits.”