Gillot “Le Psg, je m’en fous en fait”

    Longue interview réalisée par Francis Gillot pour Chronofoot. L’entraîneur des Girondins de Bordeaux se confie en détail sur la situation de son nouveau club: les objectifs, le mercato, les moyens, le jugement de son travail, la mise en place de son jeu. Il fait également le point sur son départ de Sochaux et en évoque les raisons. Le cas de son ancien joueur Marvin Martin est également évoqué, tout comme la situation du Paris Saint-Germain.

     

     

     

     

    Bordeaux a réalisé une excellente préparation (5 victoires, 1 nul, 1 défaite). Êtes-vous surpris de l’état de forme de votre équipe ?

    Oui, au niveau des résultats c’est très bien. Le programme des matches amicaux était déjà déterminé avant que j’arrive donc quand j’ai débarqué j’ai remarqué que c’était des équipes costaudes (Lille, Toulouse, Ajaccio, Montpellier, Brest, Betis Séville, Udinese, ndlr). Gagner 5 matches sur 7 contre des équipes comme ça, ça veut dire quelque chose. Évidemment, il y a eu du bon et du moins bon, mais globalement on est plutôt satisfait de ces matches de préparation. Tout est fait pour qu’on fasse un bon début de championnat. Après, il faut confirmer, ce qui n’est jamais facile.

     

    Quelle valeur donner à ces matches de préparation ? C’est surtout l’occasion de mettre tout le monde au même niveau physique.

    Même en faisant tourner pas mal, on les a gagnés ces matches. Ça veut dire qu’on a un banc assez fourni avec de la qualité. On peut faire tourner et doubler les postes, c’est intéressant sur la durée d’un championnat. L’année dernière à Sochaux, on a perdu presque tous nos matches de préparation et ça ne nous a pas empêché d’enchaîner derrière. Je sais qu’il y aura des tempêtes cette saison, mais ce n’est pas pour autant qu’on baissera les bras au moindre contre-temps.

     

    A défaut d’être favorable, le calendrier de Bordeaux est loin d’être désagréable puisqu’il faudra attendre la 7e et la 8e journée pour rencontrer un “gros” (Lille et Lyon, ndlr). Est-ce quelque chose qui vous plait ?

    Je préfère rencontrer les gros d’entrée car ils ne sont pas prêts (rires). Plus sérieusement, tous les matches sont compliqués à gagner en Ligue 1, donc je ne me préoccupe pas du calendrier. Je connais les 3-4 premiers matches, c’est tout.

     

    Vous parlez de gros en évoquant Lille et Lyon. Vous ne considérez pas Bordeaux comme un “gros” ?

    Bordeaux n’est pas du même calibre que Lille, Lyon, le PSG ou l’OM. Il n’y a pas photo entre ces équipes là et nous. Au niveau du recrutement et de la valeur de l’équipe, c’est quatre équipes sont au dessus de nous. J’ai dit que je voulais être dans le TOP 5. Si une de ces formations piétine pourquoi ne pas être à l’affût.

     

    Finalement 4e, 5e ou 6e, ça ne change pas grande chose. C’est surtout un podium qui révolutionne une saison.

    Bien sûr. Mais il faut se rendre compte que le TOP 3 va être compliqué. Nous sommes en train de reconstruire. Depuis deux saisons Bordeaux va moins bien. Il faudra être patient. Il faut déjà récupérer un style et une identité de jeu.

     

    Et pourquoi pas une coupe pendant que les gros s’essoufflent en championnat ?

    On ne va pas laisser tomber les coupes. On va jouer le coup à fond. Mais il faut aussi un peu de chance au tirage.

     

    Quand on regarde l’effectif, ça n’a pas trop changé: deux arrivées libres (N’Guémo et Maurice-Belay), mais en revanche deux départs de joueurs cadres (Diarra et Fernando). On a l’impression que Bordeaux s’est affaibli, alors pourquoi ce serait mieux cette année ?

    Je ne sais pas (rires). C’est vrai que le club a perdu beaucoup de bons joueurs depuis deux ans. Nous avons 26 joueurs, de la matière mais il faut bien sûr travailler. Fernando est parti alors que c’était l’un des meilleurs joueurs avec Plasil l’année dernière. Diarra a fait une saison moyenne mais c’est quand même la capitaine de l’équipe de France. On ne s’est pas renforcé, c’est une évidence. Mais je vois de la qualité dans mon effectif, et je vais essayer d’en tirer le maximum.

     

    Vous dites 26 joueurs mais il y en a un qui est sur le départ. Que se passe-t-il avec Wendel ?

    Wendel ne veut pas partir. Il n’y a pas de clash du tout avec Wendel. Je l’ai reçu dans mon bureau, il souhaite rester à Bordeaux. Il n’y a aucun problème de ce côté là. Moi j’aimerais le garder. Après c’est à lui de décider s’il souhaite répondre à l’offre de Saint-Étienne ou non.

     

    Vous avez déclaré que vous cherchiez un attaquant. Est-ce toujours d’actualité ?

    Quand je suis arrivé, le président (Jean-Louis Triaud, ndlr) m’a dit que Cavenaghi allait revenir, mais il n’est pas revenu (transféré à River Plate, ndlr). David Bellion ne sera pas opérationnel avant quelque temps. Il ne me reste donc que trois attaquants. Quand on en fait jouer deux à la fois…

     

    Pourtant il y a des attaquants sur le marché. Je pense notamment à un champion du monde qui s’entraîne avec une équipe de Ligue 2 (David Trezeguet). Ça n’intéresse pas une équipe comme Bordeaux ?

    C’est trop cher. On en a parlé avec le président. Apparemment Trezeguet veut faire des efforts financiers, mais la notion d’efforts financiers n’est pas la même à Bordeaux que chez lui (rires).

     

    Il y a aussi les lofteurs du PSG, et Peguy Luyindula notamment.

    C’est pareil, c’est trop cher. Il y a un mois nous étions sur Pierre-Alain Frau, mais nous n’avons pas pu le faire alors qu’il était libre (Frau a opté pour un contrat plus juteux à Caen, ndlr). Les clubs comme Paris ne vont pas se démunir pour renforcer un éventuel concurrent.

     

    Êtes-vous inquiet du manque de moyens des Girondins ?

    Le président a envie d’avoir une bonne équipe, mais il y a des efforts à faire. Le mercato, c’est comme quand on veut acheter une maison. On veut la plus belle et puis il y a nos moyens financiers. On ne peut pas aller au dessus d’une certaine limite. Mon boulot, c’est de tirer le maximum de l’équipe qu’on va me donner.

     

    En quittant Sochaux pour Bordeaux avez-vous senti une classe d’écart entre les deux clubs ?

    Non pas du tout. Bien sûr le club n’est pas organisé de la même façon. Les structures sont plus importantes, c’est une évidence. Mais au niveau de l’effectif, il n’y a pas une classe d’écart. La preuve Sochaux a terminé devant Bordeaux la saison dernière. Ça veut tout dire.

     

    Pourquoi ne pas avoir tenté le coup avec Sochaux alors que vous étiez qualifiés en Europa League ? Avec Lens, il s’était passé à peu près la même chose. J’en conclus que vous voulez avoir vos jeudis soirs de libre !

    Les deux premières saisons avec Lens, j’ai fait la Coupe d’Europe donc le jeudi soir j’étais pris, je ne pouvais pas aller au cinéma (rires). J’ai pris une décision qui peut surprendre, mais quand j’ai quitté Lens personne n’a compris. Aujourd’hui on comprend un peu mieux. Pour Sochaux on verra à l’avenir.

     

    On ne comprend pas très bien. Vous prédisez le même avenir à Sochaux qu’à Lens ? Vous avez fuit Sochaux ? Ou bien c’est une réelle envie d’ailleurs ?

    Un peu de tout ça à la fois. Aujourd’hui, il y a beaucoup de gens qui ne comprennent pas ma décision, mais quand je pars, c’est que c’est mûrement réfléchi. Je n’ai aucun regret. Je pars parce qu’il y a des raisons qui me font partir. J’ai eu plusieurs propositions, mais Bordeaux ne se refuse pas. Si on me laisse le temps de travailler, si on m’écoute… je suis sûr que dans les deux ans on reviendra à un très bon niveau.

     

    Qu’entendez-vous par très bon niveau ? Le titre ?

    J’en sais rien, mais je pense qu’on peut faire beaucoup mieux.

     

    Quel est le projet sportif de Bordeaux réellement. L’actionnaire M6 et Nicolas de Tavernost n’étaient pas très contents la saison dernière. On se demande dans quelle direction se dirige le club.

    Le projet c’est déjà de faire du jeu, de récupérer une identité de jeu afin de se faire plaisir et de faire plaisir aux supporteurs. Il y a plein de clubs en reconstruction. Prenez Lyon par exemple. Monaco est en Ligue 2, Lens est en Ligue 2. Il y a des cycles. Ce que j’aimerais c’est avoir deux intersaisons pour pouvoir modifier l’équipe et avoir mes renforts. En une seule intersaison, on ne peut pas le faire, mais au bout de deux ou trois intersaisons, on peut commencer à faire partir ceux qu’on ne veut pas et faire venir ceux qu’on veut.

     

    Être entraîneur ce n’est pas que mettre des noms sur une feuille de match. Comment fait-on pour mettre un joueur sur le terrain qu’on ne souhaite pas vraiment ? Ce doit être très compliqué à gérer ?

    Je prends souvent l’exemple des attaquants. Je préfèrerais faire jouer Messi que n’importe lequel de mes attaquants. On peut toujours avoir mieux, mais mon boulot, c’est de tirer le maximum de mon groupe. Il y a beaucoup de paramètres qu’on ne maitrise pas.

     

    Les supporteurs ont beaucoup râlé sur la frilosité de Tigana. Vous allez adoptez la même tactique offensive qu’avec Sochaux ?

    Oui, mais c’est à double tranchant. Quand on joue offensif, parfois on a des retours de bâton. La saison dernière on a gagné beaucoup de matches, mais on en a aussi perdu beaucoup. Il y avait très peu de nuls. Je reste dans cette optique là. Je joue les trois points. Avec Sochaux, on a gagné autant de matches que Lyon la saison dernière. Je joue toujours la gagne.

     

    Vous prenez la suite de Laurent Blanc et Jean Tigana, deux monstres sacrés du football français. Vous sentez un certain poids sur vos épaules ?

    J’ai beaucoup de respect pour Laurent Blanc et Jean Tigana. Si je passe après eux, ça veut déjà dire que je suis dans un grand club. C’est une fierté de prendre leur relève. Mais je n’ai pas de pression particulière. On parle souvent de l’entraîneur, mais le plus important dans un club ce sont les joueurs. Si je n’avais pas eu de bons joueurs à Sochaux, je n’aurais pas pu faire le parcours que j’ai fait. Ce sont les joueurs qui font un entraineur, et pas l’inverse. On sert de guide, de maitre d’école, mais ce sont eux qui font le boulot en premier.

     

    Vous avez été surpris de l’éclosion de Marvin Martin, qui est devenu à un moment donné la coqueluche du football français ?

    Ce qui a fait sa notoriété c’est surtout ces deux buts en équipe de France. Je ne suis pas étonné de ce qui lui arrive. Mais là, il y en a un qui va exploser, c’est Ryad Boudebouz. Il a deux ans de moins, mais il va devenir un grand grand joueur.

     

    Voir Marvin Martin rester à Sochaux, vous trouvez ça bien ?

    Ce n’est plus mon problème. Je ressens qu’il veut partir mais il ne peut pas. Je le connais bien. Quand on lui pose la question, il est un peu coincé. Dans son for intérieur, il voudrait partir. Si j’étais encore entraineur de Sochaux j’aurais aimé le garder.

     

    En ce moment, il y a un club qui fait vraiment l’actu, c’est le PSG. Que vous inspire tout cet argent qui gravite autour du club ?

    Franchement, je n’ai pas trop d’avis là-dessus. Pastore, je ne le connais pas plus que ça. Le PSG me fait ni chaud ni froid. Qu’ils dépensent leur argent comme ils le souhaitent. Mais aujourd’hui 42 millions d’euros dans le football, ce n’est plus rien. C’est un peu choquant à dire pour les gens qui ne sont pas là-dedans, et je peux les comprendre. Le PSG, je m’en fous en fait (rires).

     

    Enfin, je vais vous donner deux dates. 17 décembre 2011 et 29 avril 2012. Ca vous dit quelque chose ?

    Oui, on rencontre Sochaux. Mais c’est encore loin. Ça s’est très très bien passé avec les joueurs, et le staff. On avait une super ambiance. Je regrette d’avoir quitté cette équipe parce qu’on s’entendait très bien. Ça sera avec plaisir que j’irai là-bas. J’ai laissé beaucoup d’amis. J’y ai passé 3 ans et demi en tant que coach et 7 en tant que formateur. C’est un club qui a compté pour moi. Mais il y a des choix à faire, et dans ces cas là, il ne faut plus se retourner.