“J’ai l’impression que l’équipe se cache”

    Interrogé par le site officiel avant ce déplacement chez le leader de la Ligue 1, le brésilien Jussiê s’est livré sans concession sur la situation du club et du groupe bordelais. Il n’hésite pas à être très critique envers ses coéquipiers.

     

     

    Bonjour Jussiê. Avec le recul, comment analyses-tu la dernière rencontre de l’équipe contre Arles-Avignon ?

    Jussiê : C’était une rencontre difficile. Actuellement, nous vivons des moments compliqués et c’est déjà le cas depuis un moment. Chaque fois qu’une équipe vient à Chaban-Delmas, nous avons l’impression de jouer contre le Real Madrid. Nous parlons d’Arles-Avignon mais une équipe de CFA 2 viendrait jouer contre nous à domicile, ce serait la même chose. Nous manquons de confiance par rapport aux prestations que nous avons réalisées jusqu’à présent. Cela va continuer comme cela, rien ne va évoluer jusqu’au jour où il y aura de grands changements. Je me suis déjà exprimé à ce sujet, notamment lors de ma conférence de presse la semaine dernière. Il faut du changement aux Girondins, je ne sais pas à quel niveau mais cela doit commencer par les joueurs. C’est un tout. Je pense que nous sommes tous usés. Cela va continuer comme cela jusqu’à la fin de la saison. C’est malheureux pour nous, pour le Club et ses supporters.

     

    Dans ton esprit, l’objectif de fin de saison pour le Club est le maintien ? Tu ne parles pas d’Europe, très clairement…

    Je ne parle pas d’Europe, très clairement. On ne pas parler d’Europe quand on voit la façon dont on joue. Je pense que ce serait immérité. Quand on regarde l’effectif, on peut dire que Bordeaux peut jouer l’Europe sur le papier mais sur le terrain, nous n’avons pas une équipe pour espérer une qualification européenne. Il faut être très clair à ce niveau-là. Aujourd’hui, il faut parler de maintien et pas d’Europe. Quand on voit nos prestations sur l’ensemble de la saison, on ne peut pas rêver de Champions League ou d’Europa League. C’est impossible.

     

    Samedi soir, les supporters ont manifesté leur mécontentement par des chants ironiques. C’est forcément dur à entendre quand on souffre devant Arles-Avignon ?

    Oui mais c’est le sport. Les supporters sont des passionnés, il faut les comprendre. Nous sommes les premiers déçus par cette situation. C’est comme ça depuis le début de la saison, il ne faut pas se voiler la face. Je ne vais pas dire que nous avons touché le fond car il reste 8 matches à jouer et nous ne sommes pas relégables. Nous sommes déçus de voir la situation actuelle du Club, nous sommes déçus des événements du dernier match et de la réaction des supporters. Le message que j’aimerais faire passer aux joueurs, c’est de ne pas se cacher. A domicile, nous avons du mal à évoluer car il y a une appréhension vis-à-vis du public et des supporters. C’est dans ces moments-là qu’il ne faut pas se cacher. Même si nous manquons des choses, que les supporters sifflent ou hurlent, il faut continuer à tenter. Nous n’avons pas le choix. En se cachant, on ne fait rien. Si un joueur se cache, il se dit que les supporters ne le siffleront pas, que les journalistes n’écriront pas de mauvais commentaires mais cela ne peut pas fonctionner comme cela ! C’est là qu’on a besoin de tout le monde.

     

     

    Tu parlais d’appréhension. Nous avons l’impression qu’à Chaban-Delmas, de peur de mal faire, vous ne tentez plus rien…

    C’est cela. Enfin, cela ne me correspond pas. De mon côté, je tente trop ! C’est mon jeu et j’ai essayé. C’est pour cette raison que je parle de ne pas se cacher. Je suis sorti et j’ai été sifflé. Je comprends qu’un jour ou l’autre, on ne soit pas bien sur un plan technique. Si, en plus, l’équipe ne tourne pas, cela devient vraiment compliqué pour chaque joueur. Par exemple, face Arles-Avignon, j’ai essayé beaucoup de choses, de me montrer, de bouger. Comment créer du jeu si personne ne bouge ? C’est basique, on n’apprend cela à l’école de football, quand on est tout petit. J’ai l’impression que l’équipe se cache en ce moment, à cause de cette appréhension. Nous avons aussi fait de bons matches face à des grosses équipes. Nous montrons tellement d’envie sur ces matches… Pourquoi ne pas le faire tout le temps ? C’est, selon moi, un problème de confiance. Nous n’en avons même plus assez au niveau de l’équipe pour tenter des choses. Nous avons peur que les supporters sifflent, nous avons peur de plein de choses… C’est difficile de trouver une explication simple à tout cela.

     

    Le match face à Lille arrive. Comme tu le disais, Bordeaux a du mal face aux « petits » mais a toujours répondu présent face aux grosses écuries. C’est un gage d’optimisme pour ce rendez-vous ?

    Nous l’espérons. Nous allons affronter pas mal de bonnes équipes jusqu’à la fin du championnat. Nous souhaitons vraiment que cela déclenche quelque chose. Nous avons envie de rectifier le tir après le match face à Arles-Avignon. C’est une bonne occasion, face à une grande équipe. Elle a perdu son dernier match et voudra absolument s’imposer devant son public. De notre côté, nous avons également besoin de points. Comme nous ne pouvons pas faire quelque chose de bien à la maison, nous allons essayer de profiter de ces matches à l’extérieur.

     

    Les Lillois sont dans une période charnière avec le titre en ligne de mire. Tu as également connu ces périodes avec Bordeaux. Après une défaite à Monaco et 3 jours avant une demi-finale de Coupe de France à Nice, penses-tu que c’est le bon moment pour aller affronter les Dogues ?

    Oui, peut-être. Nous ne pouvons être sûrs de rien en football. Jusqu’à présent, Lille montrait beaucoup de régularité. Ce n’est pas parce qu’ils ont perdu un match qu’ils vont tout lâcher mais Lille n’est pas forcément habitué à jouer le haut de tableau et encore moins le titre. Ils n’ont pas l’expérience de Lyon ou Marseille. Pour nous, ce moment peut-être le bon, nous pouvons faire quelque chose.

     

     

    Quel est l’objectif…

    (Il coupe, NDLR) Gagner. Il ne faut pas se mentir, nous devons aller à Lille pour gagner. Au-delà du résultat, il y a la manière. Il faut d’abord tout donner sur le terrain. Si nous sortons tous du terrain avec le sentiment d’avoir tout donner, il n’y aura pas de déception même si nous perdons ou que nous faisons match nul. Si je regarde mes coéquipiers en me disant : « aujourd’hui, ils ont fait tout ce qui était possible », si eux me regardent en se disant : « Juss’, il a tout donné », alors il n’y aura pas de déception à avoir. Nous faisons un métier de rêve, des tas de gens aimeraient être à notre place. Nous avons la chance de le faire. La moindre des choses, c’est de faire le maximum d’effort sur le terrain pour sortir de cette situation.

     

    On a aussi l’impression que vous êtes plus sereins face aux grosses équipes car vous avez moins l’obligation de gagner vis-à-vis des supporters, des dirigeants, des médias… Quelque part, moins on attend de vous, plus vous semblez capables de répondre présent, plus vous semblez prêt sur un plan psychologique ?

    Le côté psychologique est très important, c’est certain. Je ne sais pas si nous réagissons comme cela mais inconsciemment, c’est peut-être le cas. Il y a 2 ans, nous étions également dans « l’obligation » de battre certaines équipes, notamment à domicile. Cela ne nous empêchait pas d’être patient, de jouer notre jeu sereinement. Nous savions qu’il pouvait se passer quelque chose à tout moment. Nous savions que cela finirait pas arriver. Nous avions une énorme confiance. Nous travaillions toute la semaine et nous reproduisions cela sur le terrain. Aujourd’hui, cette confiance nous manque et nous nous mettons une pression supplémentaire en se disant : « nous sommes à domicile face à une soi disant petite équipe. Nous sommes obligés de gagner, de faire un résultat ». Certains de mes amis me disaient : « ce week-end, c’est Arles-Avignon, cela va faire 3-0 ». Il ne faut jamais dire cela car on ne sait pas ce qu’il peut arriver dans un match.

     

    Surtout en L1 ?

    Surtout en Ligue 1 (rires, NDLR).