InterviewG4E. Habib Bamogo : “Bordeaux, c’est difficile de les cerner. Ils sont bons partout mais exceptionnels nulle part”

    L’attaquant montpellierain Habib Bamogo pose, en août 2002 à Montpellier, pour la photo officielle du Montpellier Herault Sport Club. AFP PHOTO/OFF (Photo by – / OFF / AFP)

    Passé par les Espoirs, puis Montpellier, Marseille, Nantes ou encore Nice, Habib Bamogo restera un très bon attaquant de Ligue 1 avec une expérience notable. Le point intéressant étant qu’il a connu de nombreux partenaires durant ses années d’activité, dont d’anciens bordelais. A l’approche de la rencontre entre Bordeaux et Montpellier (reportée mardi 5 à 19 heures), nous avons voulu échanger avec lui à ce sujet, ainsi que d’autres débats concernant le club au scapulaire mais aussi sa carrière personnelle. Amis lecteurs, à vous de jouer. Interview.

     

    Pendant la période montpelliéraine et après votre prêt au Celta Vigo, un intérêt des Girondins de Bordeaux avait été évoqué par la presse. Qu’en était-il réellement ? Avez-vous eu des contacts avec Bordeaux, et auriez-vous eu l’envie d’y signer ?

    « A l’époque, j’avais des sollicitations de plusieurs clubs. J’avais en effet entendu Bordeaux. Mais j’avais déjà fait mon choix, ça n’est pas allé plus loin (nldr : il signe à Nice dans la foulée). Je m’étais déjà déplacé pour aller voir le coach Antonetti, qui était à Alfortville. J’avais déjà fait mon choix après avoir discuté avec lui.

    Pourquoi ne pas signer à Bordeaux à cette époque, oui. Bordeaux, ça reste un grand club de France. Beaucoup de joueurs aimeraient jouer ou avoir des sollicitations d’un club comme Bordeaux »

     

    Vous êtes ensuite transféré à Marseille en 2004 et hasard du calendrier, vous disputez votre premier match sous vos nouvelles couleurs, en ouverture du championnat contre… Bordeaux. Vous avez en face de vous une défense centrale Gérald Cid-Marc Planus…

    « Je me souviens de ce match en effet. Tout d’abord car c’est mon premier avec Marseille mais aussi car je connais bien Marc Planus, avec qui j’étais en sélection Espoirs. Si je me souviens bien, c’était Laurent Batlles qui avait marqué à la dernière minute.  Dans l’ensemble, on avait bien dominé le match sans marquer, et c’est ce but qui nous libère. On recevait deux fois de suite, contre Lille en deuxième journée, et j’avais marqué mon premier but au Vélodrome.

    Marc Planus d’ailleurs, c’est un bon gars. Et avant d’être un bon gars, c’est aussi un bon joueur. Il connait très bien son poste, il avait un bon sens de la lecture et un bon jeu aérien. J’ai un bon souvenir de lui ».

     

    Avec Marseille, vous n’avez jamais gagné à Bordeaux, comme toute autre équipe depuis 40 ans d’ailleurs. Comment abordiez-vous cette rencontre, sachant qu’il y avait cette malédiction qui planait ?

    « Honnêtement non, je ne m’en rappelle pas. Je me rappelle d’une chose par contre, c’est que j’avais marqué un but lors d’un Bordeaux-Montpellier. Cela faisait un certain nombre d’années que Montpellier n’avait pas gagné à Bordeaux. On avait gagné 1-0 à Chaban Delmas, alors qu’il y avait comme une sorte de malédiction aussi. On en avait parlé avant le match ».

     

    Joie Bordeaux Groupe Trophée des Champions

     

    Quels souveniez gardez-vous de l’équipe 2008-2009 des Girondins de Bordeaux, Championne de France ? Vous aviez d’ailleurs marqué à Chaban Delmas sur penalty cette saison-là…

    « C’était une très bonne équipe cette année-là. Il y avait Laurent Blanc en coach, Yoann Gourcuff, Marouane Chamakh… Vraiment une super équipe, avec Alou Diarra aussi ainsi que Souleymane Diawara en défense. Ils avaient une colonne vertébrale assez solide. Yoann Gourcuff était dans la forme de sa vie, c’était lui qui régulait le jeu. Il y avait de très bons attaquants, comme Chamakh qui avait fait une grosse saison avant de partir libre. Ils avaient mérité de gagner le championnat ».

     

    Durant votre carrière, vous avez évolué avec quelques joueurs passés aussi par les Girondins. Quel souvenir gardez-vous d’un Bixente Lizarazu lors de son passage express à  l’OM par exemple ?

    « Ces quelques mois avec Liza, j’ai bien aimé. J’ai un bon souvenir de lui. Il est venu mais le contexte marseillais était super compliqué. On avait été recruté la même année, c’était très compliqué. Il n’est resté que six mois avant de repartir au Bayern Munich. Quand il est venu à Marseille, ça ne s’est pas très bien passé et quand il était reparti, il avait été élu meilleur latéral gauche de Bundesliga. Cela en dit long sur l’atmosphère qu’il y avait au club ».

     

    Jérémy Toulalan

     

    Autre joueur, Jérémy Toulalan. Son aventure avec Bordeaux a été écourtée après l’éviction de Jocelyn Gourvennec. Comprenez-vous cette décision ? Compréhensible lorsque l’on connait son tempérament ?

    « Personnellement, la décision m’a surpris. Même si un entraîneur part, tu es quand même rattaché au club. Après, on ne connait pas toutes les informations. On ne sait pas ce qu’il s’est passé, ce qu’il y avait dans la tête de Jérémy, au sein du club. C’est difficile de donner une opinion quand on n’a pas toutes les informations. Quand on regarde son choix de l’extérieur, on peut être surpris. Connaissant Jérémy, il y a dû avoir quelque chose qui s’était passé. Je ne vois pas pourquoi il aurait quitté le club de cette manière ».

     

    Dernier joueur, et pas des moindres Cyril Rool. Il est décri comme un “boucher”, une étiquette très péjorative l’a suivi. Ce n’était pas un mauvais gars, non ?

    « Quand j’entends ça, personnellement cela me fait rigoler. Il doit y avoir deux ou trois images de tacles un peu sévères, à Bastia ou ailleurs, et ils en font une réputation. Quand tu ne le connais pas, tu peux le croire. Mais sinon, tu te régales avec lui. Avant d’être un boucher comme tout le monde le dit, il avait un super pied gauche, il faisait ce qu’il voulait avec le ballon, il était très technique. Dans la vie de tous les jours, il était toujours gentil, il n’y avait pas d’embrouille. Tout le monde te le dira, ce n’est pas du tout une langue de bois ».

     

    Cyril Rool joueur Bordeaux

     

    Marseille a été racheté par des américains, comme les Girondins de Bordeaux. Quel regard portez-vous sur ces rachats, et pensez-vous que cela puisse apporter à notre championnat ?

    « Tant que l’on garde la culture de chaque ville de France, je pense que c’est une bonne chose. Cela se pratique déjà dans d’autres pays en Europe. Il faut développer le football français, il faut de l’argent, on ne va pas se mentir. S’il y a des investisseurs qui viennent avec de grosses sommes et qu’ils ne touchent pas la culture du club, je n’y vois pas d’inconvénient ».

     

    Et concernant le projet bordelais, cela peut vraiment faire passer un palier ? GACP a annoncé un retour en LDC sous trois-quatre ans…

    « Lorsque les gens parlent comme ça, il faut toujours se méfier. Le football n’est pas une science exacte, il y a tellement de choses qui rentrent en compte. Aujourd’hui, je pense que Paris et Lyon sont bien installés. Il ne reste plus qu’une place pour les tours préliminaires. Sur ce genre de parole, il faut bien faire attention. Faire grandir un club, c’est une course de fond. Bordeaux, ils ont un groupe de bons joueurs. S’ils arrivent à ramener deux-trois joueurs de grand talent, cela pourrait totalement changer la donne. Aujourd’hui, pour les joueurs de grand talent, il y a d’autres choix que de venir à Bordeaux. C’est pour cela que je dis que cela se fait sur la durée ».

     

    Arrive ce week-end une rencontre entre votre ancien club, Montpellier, et Bordeaux. Comment voyez-vous cette rencontre et la dynamique actuelle des deux équipes ?

    « Montpellier maîtrise bien son sujet, ce n’est pas une équipe spectaculaire ni une équipe qui va marquer énormément de buts. Ils sont bien en place, tactiquement bien au point. Ils ont ensuite deux bons attaquants, dont Gaëtan Laborde de Bordeaux et Andy Delort qui marchent plutôt bien. Quand ils ont des occasions, ils arrivent à terminer. Ils ont une assise défensive très solide. Pour Bordeaux, c’est difficile de savoir ce qu’ils pourront faire ou pas. Ils sont bons partout mais exceptionnels nulle part. Ils ont de bons joueurs en défense, comme Jules Koundé qui m’impressionne vraiment. Ils ont aussi des attaquants pas mal comme Yann Karamoh, Samuel Kalu, l’expérimenté Jimmy Briand. Même au milieu, il y a de bons joueurs. Je vois une issue sur un match nul au vu des deux équipes ».

     

    Gaëtan Laborde

     

    Vous l’avez évoqué, Montpellier compte dans ses rangs un ancien bordelais, Gaëtan Laborde. Vous qui étiez aussi à ce poste, comment expliquez-vous cette renaissance au MHSC après avoir vécu une fin très compliquée dans son club formateur ?

    « Un attaquant marche à la confiance, à ce qu’on lui fait ressentir, la valeur qu’on lui donne dans le club. Je pense que Gaëtan Laborde à Bordeaux n’était pas forcément respecté. Il ne devait pas se sentir aimé, et n’être qu’un joueur parmi les autres. Déjà que Montpellier l’achète, cela donne le ton sur ce que le club pense de toi. Derrière, tu as envie de leur rendre pour ce qu’ils ont fait et donné pour toi. Il est dans un environnement où on l’a acheté maintenant. Tu rentres aussi vite dans une famille dans ce club. Tout ça, cela joue psychologiquement. Et ce n’est pas parce qu’il va jouer trois matches dans marquer, que les regards changeront sur lui au décrassage. Ce sont des choses qui jouent quand tu es attaquant. Aujourd’hui, il se sent comme un poisson dans l’eau. Il sait qu’il a la confiance du coach et du club. Et c’est ça qui lui permet, non seulement de marquer des buts mais aussi de redonner aux gens ce qu’on lui donne. Montpellier n’est pas vraiment un club à pression. Tout se joue vraiment sur ce que lui montre le club. Il ne s’est pas senti valorisé à Bordeaux ».

     

    Pour finir, qu’es-tu devenu ? Ta carrière est officiellement terminée ?

    « Aujourd’hui, je travaille pour Everton. Je m’occupe du recrutement sur toute la France, des jeunes U17, U19. Je suis rentré dans un grand club, avec de grandes infrastructures. C’est un club qui aimerait imiter Tottenham. Ils développent toute cette partie du recrutement. Ce qui me plait bien, c’est de voir évoluer des jeunes et de voir des futurs pros. En tout cas, essayer de les trouver. Me concernant, cela fait deux-trois ans que j’ai quitté les terrains. J’ai tourné la page ».

     

    Que peut-on te souhaiter pour la suite ?

    « Juste avoir une bonne santé, ça ira (rires). Pour le moment, je suis dans le recrutement. Cela ne veut pas dire que dans cinq-six ans, j’y serai encore. Il y a beaucoup de perspectives, on verra bien ».

     

    Merci à Habib Bamogo d’avoir accepté cet échange très sympa. Bonne continuation !